Pourquoi Oyé Mba a jeté l’éponge

Christophe Boisbouvier

Publié le 9 septembre 2009 Lecture : 2 minutes.

La veille du scrutin, à 11 h 30. Le téléphone sonne chez Casimir Oyé Mba : « Ne quittez pas, je vous passe monsieur le président… » Paul Biya ? Teodoro Obiang Nguema ? Au bout du fil, un chef d’État d’Afrique centrale félicite l’ancien Premier ministre pour sa campagne et… lui conseille de se retirer de la course ! « Si vous ne le faites pas, des violences sont possibles. » Suivent les politesses d’usage : « Restez disponible. Le Gabon a besoin de vous… » Oyé Mba raccroche, perplexe.

Deux heures plus tard, nouvel appel. Cette fois, c’est un chef d’État d’Afrique de l’Ouest qui l’invite à renoncer. « J’ai ressenti ces deux appels comme un coup de massue », commente aujourd’hui l’ex-candidat. « Des violences ? Je ne voulais pas avoir de morts sur la conscience. »

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Tout l’après-midi, il se tâte, consulte… « J’ai vécu un des jours les plus difficiles de ma vie. Je me suis dit : “Si je n’écoute pas leurs conseils, que va-t-il m’arriver ?” » Finalement, à 22 heures, il retire sa candidature. La mort dans l’âme.

Évidemment, depuis ce 29 août, Oyé Mba cherche à savoir qui est derrière ces deux coups de fil. Ali Bongo ? C’est exclu. Bien au contraire, le candidat du parti au pouvoir souhaitait vivement que l’ex-Premier ministre reste dans la course pour casser la dynamique unitaire en faveur d’André Mba Obame au sein de l’électorat fang. Mba Obame, justement ? C’est crédible. Pendant la dernière semaine de campagne, l’ancien ministre de l’Intérieur se dépensait sans compter pour faire plier son aîné. Mais a-t-il le bras assez long pour convaincre deux chefs d’État de décrocher leur téléphone ? Pas sûr. Du coup, certains se demandent si la France n’a pas été à la manœuvre. Officiellement, elle n’avait pas de préférence. En réalité, elle redoutait une victoire de Pierre Mamboundou, l’homme politique le plus imprévisible du Gabon. Bien sûr, face à un éventuel tsunami Mamboundou, la France disposait déjà de la digue Ali Bongo. Mais, si jamais celle-ci cédait, elle avait tout intérêt à construire une seconde digue avec Mba Obame. 

« Je n’ai pas le virus »

Pour Casimir Oyé Mba, ces six semaines de campagne auront été cruelles. Au début, il était l’un des grands favoris. Il a eu le tort de croire que sa réputation de gestionnaire intègre allait suffire pour gagner… Son « cousin » fang André Mba Obame l’a feinté, en menant une campagne plus offensive, plus médiatique. Surtout, il a réussi à convaincre deux autres personnalités de la galaxie fang, Jean Eyeghe Ndong et Paul Mba Abessole, de le rejoindre. Au fil des jours, Oyé Mba s’est isolé. « Pour le président Bongo, Mba Obame était le roi de l’intoxication et de la déstabilisation, se souvient-il. Mais il est intelligent, c’est vrai. »

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À 67 ans, l’ancien Premier ministre garde son fair-play et se demande s’il a encore un avenir en politique. « Je n’ai pas le virus, dit-il, un peu désabusé. Et puis, j’y mets peut-être un peu trop de morale. » Oyé Mba n’est pas un « tueur ». Qui sait si, un jour, le Gabon n’aura pas besoin d’un homme de cette trempe…

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