Beko à volonté

Prix Découvertes RFI en 2008, Mikea mêle blues et beko, musique traditionnelle malgache. Et part à la conquête du continent avec 14 dates de concert.

Publié le 8 septembre 2009 Lecture : 2 minutes.

Il s’appelle Théo Rakotovao, mais tout le monde le connaît sous le nom de Mikea. Un nom donné au groupe qu’il a créé en 2003 en référence à sa région d’origine et au peuple auquel il appartient, isolé dans le sud-ouest de la Grande Île et longtemps méprisé par les citadins. « Il ne fallait pas compter draguer les filles en parlant notre langue, raconte avec une moue enfantine le chanteur né en 1975. Elles se moquaient de nous et partaient voir ailleurs. »

Issus de l’ethnie masikoro, les Mikea s’étaient réfugiés autrefois dans les forêts de cette région, aujourd’hui en danger de déforestation. Ils fuyaient les exactions de leurs souverains, qui fournissaient les colons en esclaves. On les a surnommés « le peuple de la forêt ». « Il y a toujours eu plein d’idées fausses circulant sur les Mikea et les Masikoro, poursuit le chanteur, d’une voix douce et timide. Moi-même, quand j’étais à Tuléar, j’avais honte de parler mon dialecte. » Tuléar (d’où est originaire l’accordéoniste-chanteur Régis Gizavo, l’un des artistes malgaches les plus célèbres sur la scène internationale), est le chef-lieu de la région du sud-ouest de l’île, que le jeune Théo avait rejointe pour aller au lycée. Les Masikoro et le Sud ont été complètement délaissés par les gouvernements successifs, raconte-­t-il. « Nous manquons d’écoles et d’hôpitaux. »

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Lorsqu’il a reçu le prix RFI, le 13 novembre 2008, à Antananarivo, le chanteur a d’abord pensé aux siens, à sa mère qu’il allait pouvoir aider. Fluide, lumineuse, nimbée de nostalgie, la musique qu’il compose et chante tout en jouant de la guitare (parfois du kabosy, la guitare traditionnelle malgache) porte en elle des accents de beko. Une tradition de sa région qu’ont fait connaître avant lui les groupes Salala et Senge. Complainte vocale a cappella, le beko est d’abord un style de chant sacré interprété notamment lors des funérailles, des rites de possession ou des cérémonies de circoncision. Par la suite, explique Mikea, le beko a désigné également ces mélodies que chantent les gardiens de zébus pour passer le temps. Un chant qui évoque souvent les voleurs de zébus, fléau de la région. « Nos parents n’étaient pas très contents que l’on chante ainsi. Ils disaient que, pendant ce temps, on n’avait pas l’œil sur les zébus, qui en profitaient pour manger le maïs et le riz. »

Dans son second album, Taholy (Contre-Jour/Socadisc), avec lequel il se présente sur les scènes du monde en compagnie de son groupe, Mikea chante des ombres (solitude, pauvreté, cupidité) et des lumières (l’amour, sa mère). Il a baptisé sa musique « beko’n’blues », trouvant des similitudes entre ces genres, notamment la poignante couleur nostalgique commune aux deux.

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