Gloria Mika
Mannequin gréco-gabonaise qui a défilé pour Ungaro et Diesel, elle a milité pour assurer la transparence de l’élection présidentielle au Gabon.
« La politique ne m’intéresse vraiment pas ! » Dans son pantalon noir et son tee-shirt blanc estampillé « Ange gardien », Gloria Mika Ndzila martèle si fort ce credo que sa frange latérale vient balayer son visage. Elle est sincère, pas de doute. Seulement, ce mannequin de 29 ans, dont le père gabonais et la mère grecque « ne parlaient jamais politique », se retrouve aujourd’hui comme prise au piège…
Tout commence avec la mort d’Omar Bongo Ondimba, décédé le 8 juin dernier en Espagne, après quarante et un ans au pouvoir. Gloria Mika réalise alors que, pour beaucoup de ses amis, la présidentielle anticipée du 30 août risque d’être entachée de fraudes. « Ce n’est pas tout de constater, il faut réagir ! », lance-t-elle, conquérante.
Inscrite à Paris et déterminée à ce que son vote ne soit pas « volé », la « Yes, we can girl » investit la Toile. Elle crée sur le réseau Facebook le groupe « Les Anges gardiens du Gabon » et, quelques jours plus tard, un site du même nom. Leur rôle : recruter une armée d’observateurs bénévoles et politiquement neutres pour veiller à la transparence du processus électoral. Défi de taille, chrono défavorable. C’est mission impossible avant le jour J. Les médias le savent. Mais qu’importe. Cet engagement donne un côté glamour à une élection historique. Résultat, elle court d’interview en interview, « hypothèque » ses vacances et suspend ses activités professionnelles en Grèce, où elle vit.
La frénésie médiatique l’épuise. Mais Gloria Mika, teint nature et lèvres nacrées, n’est pas prête à lever le pied : elle vient de fonder Les Anges gardiens de la transparence électorale, « une ONG chargée de soutenir les autres pays pendant les processus électoraux ». Et déjà, les jeunes des partis politiques la courtisent…
« Je me méfie des nombreuses tentatives de récupération et je rassemble parfois mon courage pour lui dire “méfie-toi de X ou Y” », confie Lord Ekomy, son camarade de lycée et auteur de « 300809 », une chanson qui appelle les Gabonais à voter. La vigilance du rappeur de Movaiz Haleine est d’autant plus grande que Gloria Mika « a peut-être un peu trop de candeur dans le regard qu’elle porte sur les gens ».
Aucune candeur, en revanche, quand il s’agit de la place qui lui serait réservée dans un futur gouvernement. « C’est moi-même qui dirai aux gens que je suis un peu trop radicale pour eux ! », dit l’ange gardien en chef, plaisantant à moitié. Fruit d’une éducation « conservatrice et open-minded », elle a quelque chose de Mrs Bailey, la femme de fer de Grey’s Anatomy, l’une des séries américaines qu’elle affectionne. C’est pourquoi, quand ses consœurs changent de poids au gré des modes, la « rebelle » batéké fait valoir que sa silhouette n’est pas à géométrie variable. « On est trop grosse pour certains, trop maigre pour d’autres… Je fais le tour, et je vois ceux à qui je plais ! », tranche-t-elle. Avant de s’avouer accro aux chocolats Ferrero Rocher et au yaourt liquide Yop à la fraise.
Difficile de faire l’unanimité. Quand ce n’est pas le poids qui pose problème, c’est la couleur de peau. Gloria le caméléon, aussi à l’aise en robe du soir qu’en jeans destroy, se souvient que pour une célèbre agence, il aurait mieux valu qu’elle soit « blanche ou noire »… À l’époque, la « citoyenne du monde » favorable aux quotas ethniques n’avait que 19 ans et n’était guère à l’aise dans ses baskets. Mais pas à cause de son teint miel-cannelle. « Pour moi, une femme dans toute sa beauté, sa féminité et sa sensualité, c’est Monica Bellucci, une femme qui a des formes. Rien à voir avec moi ! », dit-elle en désignant avec dédain ses bras graciles.
Si sa mère, et meilleure amie, l’entendait… « Depuis son adolescence, elle impressionne les photographes et les stylistes du monde entier par son apparence physique, mais aussi par sa forte personnalité », raconte, admirative, Sofia Mika Ndzila, ancienne salariée de la Radiodiffusion Télévision gabonaise reconvertie dans le tourisme.
Ses formes d’adolescente montée en graine (elle mesure 1,88 m pour 60 kg) et ses traits juvéniles ont séduit les créateurs des maisons Ungaro, L’Oréal, Escada, Diesel, Elizabeth Emanuel (cocréatrice de la robe de mariée de la princesse Diana), ou encore, côté africain, le joaillier nigérian Chris Aire et le styliste nigérien Alphadi. De quoi décomplexer la jeune polyglotte – elle manie le français, l’anglais, le grec et l’espagnol – même s’il lui reste du chemin à parcourir pour trouver la paix intérieure. Viendra-t-elle du cinéma, son autre passion ? Après une apparition remarquée dans le clip de la chanson « Sweetest Girl », du Haïtien Wyclef Jean, elle pourrait jouer l’héroïne d’une série télé française.
Aujourd’hui employée des agences VN Model Management (Grèce) et Ice Model Management (Afrique du Sud), elle incarnerait alors une métisse ayant vécu en Afrique, étudié à l’étranger et travaillant dans la mode. Toute ressemblance avec une personne existante est sans doute fortuite, mais les similitudes avec le parcours de Gloria Mika restent saisissantes.
Née à Libreville en 1980, l’actrice en herbe a grandi au Sénégal et au Gabon, où elle a défilé pour la première fois à l’occasion de la soirée culturelle de fin d’année du lycée national Léon-Mba. « J’étais timide et réservée, mais c’était cool d’apprendre à marcher sur « Shy Guy » de la Jamaïcaine Diana King ! » Aux États-Unis, elle a péniblement décroché son baccalauréat et fait mouche dans deux concours de mannequinat. Très affectée par la séparation de ses parents – en 2000, après vingt ans de mariage – elle fait un passage infructueux par la Sorbonne et quitte la France pour rejoindre sa mère en Grèce. Là, elle étudie la communication à l’American College of Greece, puis s’accorde une coupure de trois ans pour se consacrer à la mode, un moyen de financer ses études et de gagner de l’argent facilement.
Bonne pioche ! L’intimidante célibataire, très maternelle avec ses nièces et protectrice avec son frère Alky, figure désormais dans le Top 10 des mannequins les plus en vue en Grèce. Toutefois, son grand rêve reste « de créer, en Afrique, une ONG de développement pour les communautés marginalisées ». Son père, Giraud Ndzila, officier de l’armée de l’air tombé amoureux, pendant ses études en Grèce, de celle qui allait devenir son épouse ne serait pas surpris. « Gloria est pétrie de qualités humaines et elle a le sens du devoir. » Conséquence : quand elle retourne à Libreville pour rendre visite à ses proches et à ses amis, la misère la fait enrager.
« Quand on parle de l’héritage de paix du Gabon, d’accord pour ce qui est de la stabilité politique. Mais le citoyen gabonais est-il en paix quand il pleut et que sa maison est inondée ? Quand il ne sait pas comment il va manger ? Quand, malade, il doit acheter compresses et seringues avant d’aller à l’hôpital ? » S’inspirant du message inscrit au dos de son tee-shirt d’Ange gardien, elle conclut simplement : « J’espère que le peuple sera le réel vainqueur de la présidentielle. »
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