Gérard Jodar, un Blanc chez les Mélanésiens
C’est par hasard que Gérard Jodar, le bouillant président de l’USTKE, est devenu calédonien. Jusqu’à l’âge de 19 ans, rien ne le signalait à l’attention des foules. Né en 1952 à Givors et élevé à Vénissieux (Rhône), il n’a fait ses classes ni au Parti communiste ni dans l’une des chapelles trotskistes, comme on l’a prétendu. À vrai dire, il n’a pas fait pas grand-chose avant son service militaire, « juste de la planche à voile », dit-il. Un jour de 1971, il décide d’acheter un billet « tour du monde » en avion avec un copain de l’armée. Tous deux s’arrêtent à Nouméa et parcourent l’île en stop. Tant et si bien que Gérard finit par jeter le billet d’avion dans les toilettes et se dit : « Il faut trouver un travail. » Il est serveur pour le magasin Drug’Foch, puis télétypiste aux réservations de la compagnie UTA (localement devenue Aircalin), puis agent de fret. L’aventure syndicale commence en 1978 quand il est élu délégué du personnel non syndiqué. Il en profite pour fonder son propre syndicat et pour déclencher sa première grève (un échec). En 1981, il adhère à l’USTKE à l’initiative d’un de ses collègues, le leader indépendantiste Louis Kotra Uregei, qui adore ses philippiques enflammées. Il intègre le bureau exécutif en 1982 et devient permanent syndical en 1992. Ce qui lui permet d’organiser grève sur grève dans toutes les entreprises possibles et imaginables (nickel, transports urbains, transport aérien, pots d’échappement, vente d’accumulateurs, BTP, aquaculture).
Devenu président de l’USTKE en 2000, il confirme son rôle de Dr. Jekyll et de Mr. Hyde. D’un côté, il se montre parfaitement responsable dans ses fonctions électives publiques, par exemple au Conseil économique et social. De l’autre, il multiplie les conflits sociaux et les déclarations incendiaires au point de devenir la bête noire des autres syndicats, des indépendantistes modérés – qu’il vomit – du patronat et d’Yves Dassonville, le haut-commissaire de la République. Surtout quand il déclare au quotidien Libération : « Nous sommes toujours dans une colonie et pas très loin de l’époque du bagne ! »
Boutefeu indépendantiste
À 57 ans, ce boutefeu indépendantiste n’est toujours pas devenu un Saint-Just. Il est administrateur de Tontouta Air Service et gérant de la Société civile de participation (SCP), de la Société de transport particulier (STP) et de SCAJ, société de conseil juridique aux comités d’entreprise. Il possède une belle villa, roule en 4×4 et dit gagner la bagatelle de 5 000 euros par mois. « Mais je n’ai jamais fait vœu de pauvreté ! » rétorque-t-il à qui s’étonne de ce train de vie de Blanc, surprenant pour un révolutionnaire patenté qui s’est mis au service des Mélanésiens.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- À Casablanca, la Joutia de Derb Ghallef en voie de réhabilitation
- Mali : ce que l’on sait de la disparition de Daouda Konaté
- Paul Biya à Genève : ces privilégiés qui ont eu accès au chef
- Au Niger, Al-Qaïda affirme avoir frappé aux portes de Niamey
- Présidentielle en Côte d’Ivoire : la compagne de Tidjane Thiam sort de l’ombre