Mauritanie : ramadan béni pour Abdelaziz

Un mois après son élection, le chef de l’État est en roue libre ; l’opposition a perdu de sa combativité, le climat politique est apaisé et les baisses des prix qu’il a imposées à l’occasion du mois du jeûne renforcent un peu plus sa popularité.

Publié le 8 septembre 2009 Lecture : 5 minutes.

Pour Mohamed Ould Abdelaziz, le ramadan est béni à plus d’un titre. En quête de légitimité au lendemain de son putsch du 6 août 2008, l’ex-­général avait profité de ce mois d’explosion de la consommation alimentaire pour imposer une baisse importante des prix du sucre, du riz, de l’huile, des pâtes. Un petit geste à l’endroit des plus démunis qui n’a pas été étranger aux aimables surnoms dont l’ont ensuite gratifié les Mauritaniens : le « Chávez de la Mauritanie », le « président des pauvres », ou encore le « Guide ».

Un an et une victoire électorale plus tard – à l’issue de la présidentielle du 18 juillet dernier –, « Aziz » entame son mandat en renouvelant l’expérience. Depuis le 21 août, les foyers peuvent s’approvisionner en produits de première nécessité à des prix défiant toute concurrence (les baisses vont jusqu’à 45 %) dans plus de six cents échoppes réparties sur tout le territoire. Celui qui a toujours juré que le sort des moins bien lotis était sa seule préoccupation montre ainsi qu’il tient ses promesses de campagne… soignant au passage sa cote de popularité.

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Mais hormis l’opération « spécial ramadan », rares sont les mesures économiques concrètes, aux résultats immédiats, depuis l’investiture du chef de l’État, le 5 août. Après quasiment un an de cam­pagne électorale (entre le putsch du 6 août 2008 et la présidentielle du 18 juillet 2009), Aziz a levé le pied. La Mauritanie ne vit plus au rythme des inaugurations, des poses de premières pierres et des visites du « raïs » dans les quartiers populaires. Torpeur du ramadan oblige, bien sûr. Il faut aussi du temps au nouveau gouvernement, nommé le 11 août, pour ­prendre ses marques. Mais, surtout, Aziz, élu, n’est plus en compétition. « Il est plus serein », observe un journaliste. 

Une certaine lassitude

Et pour cause. Son aiguillon, l’opposition, s’est quasi dissous. Pendant un an, le Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), hostile au coup d’État et favorable au retour dans ses fonctions du président déchu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, s’est opposé à l’installation au pouvoir d’Aziz et à l’organisation d’une élection considérée comme une mascarade pour légitimer un putschiste. Un antagonisme qui a exacerbé les positions des deux camps et stimulé l’action politique. Mais, depuis le 18 juillet, les colères d’un Ahmed Ould Daddah, chef statutaire de l’opposition et leader du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), ou d’un Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale et figure de proue des « anti-Aziz », se sont tues. Tous deux candidats à la présidentielle, ils ont bien contesté, avec d’autres concurrents défaits (notamment l’ancien chef de l’État Ely Ould Mohamed Vall), les résultats qui donnaient Aziz gagnant au premier tour, avec 52,47 % des voix. Le 28 juillet, ils ont exigé la mise sur pied d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur les nombreuses irrégularités du scrutin. Mais un mois plus tard, ladite commission n’a toujours pas vu le jour, et ceux qui l’ont appelée de leurs vœux ne montent plus au créneau pour la réclamer. Pas plus qu’ils n’organisent de manifestations, comme ils ont pourtant su le faire pendant un an. Leur contestation, Ahmed Ould Daddah et Messaoud Ould Boulkheir l’ont pour la dernière fois exprimée par défaut, en boycottant, le 5 août, l’investiture de leur bête noire.

Une certaine lassitude a probablement gagné ces deux opposants, qui, déjà dans les années 1990, s’insurgeaient contre le régime de Maaouiya Ould Taya (au pouvoir de 1984 à 2005). « Il faut peut-être une trêve et accepter de composer, de cohabiter sous une forme ou sous une autre », se résignait Messaoud Ould Boulkheir, quatre jours après le scrutin. Et d’invoquer la stabilité du pays et l’impératif de non-violence pour justifier sa réflexion. Autre explication : une fois le combat contre Aziz perdu, le couple Ould Daddah - Ould Boulkheir, qui a toujours connu des relations orageuses, n’est plus lié par un ennemi commun ; les intérêts personnels reprennent le dessus. En tant que président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir, 66 ans, pourra jouer un rôle dans l’hémicycle à compter de la rentrée parlementaire. Du même âge, Ahmed Ould Daddah avait quant à lui annoncé avant le vote qu’il prendrait sa retraite en cas de défaite.

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Mais après un an de guerre politique, les Mauritaniens n’ont plus l’habitude des climats apaisés. D’autant qu’Aziz avait donné des accents belliqueux à sa campagne, promettant de nettoyer le pays des prévaricateurs en tout genre qui le dépècent depuis des décennies. Mais aucune chasse aux sorcières n’a commencé. « On s’attendait à un début en rupture, et c’est un début en douceur », s’étonne, un rien déçu, un partisan de l’ex-général. Si l’on excepte la présence d’une femme aux Affaires étrangères (Naha Mint Mouknass), le gouvernement, à la tête duquel le Premier ministre de la junte, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, a été reconduit, est généralement jugé terne et non politique. Peu de nominations ont eu lieu dans les administrations, sinon à la tête de la Société nationale d’importation et d’exportation (Sonimex) et de la Commission centrale des marchés. Quant à son cabinet, Aziz ne l’a pas encore constitué, gardant auprès de lui les hommes qui l’entouraient avant l’élection. 

Lutte contre le terrorisme

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Dans l’attente d’un dégel de l’aide extérieure – de l’Union européenne et de la Banque mondiale notamment –, suspendue pour cause de coup d’État, l’équipe au pouvoir n’a pas encore les coudées franches pour lancer les travaux promis sur tous les fronts : santé, éducation, infrastructures, éradication de la corruption… Pourtant, les dossiers urgents ne manquent pas, comme la lutte contre le terrorisme : le 8 août, un kamikaze mauritanien s’est fait exploser devant l’ambassade de France, en plein Nouakchott. Seule victime de l’attentat, il a fait naître la peur dans un pays jusqu’alors épargné par le phénomène incontrôlable des attaques-suicides. Depuis, les contrôles des forces de sécurité ont été renforcés dans la capitale, de jour comme de nuit. Une façon pour le pouvoir de montrer qu’il maîtrise la situation. Indispensable s’il veut se maintenir en place, car c’est notamment la combinaison du terrorisme et de l’immobilisme du gouvernement qui avait coûté sa place à Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Quinze mois après son élection.

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