Le « lion du Sénat » s’est tu
Janvier 1985. Répondant à l’invitation de l’archevêque Desmond Tutu, Ted Kennedy se rend en Afrique du Sud. Pas pour une visite de courtoisie. Dans ce pays soumis aux lois de l’apartheid, le sénateur du Massachusetts n’hésite pas à arpenter les bidonvilles et à rendre visite aux principaux acteurs du combat contre la ségrégation. Malgré les protestations du gouvernement sud-africain, il rencontre Winnie Mandela, alors assignée à résidence. Mieux : il se permet d’organiser en toute illégalité une manifestation devant la prison de Pollsmoor, où est détenu Nelson Mandela. « Derrière ces murs se trouvent des hommes profondément engagés en faveur de la liberté dans ce pays », déclare-t-il au grand dam… de l’ambassadeur des États-Unis, qui défend la politique « d’engagement constructif » voulue par le président Ronald Reagan. À son retour, Ted Kennedy se fait l’avocat des sanctions contre Pretoria. Cette action coup-de-poing aura un effet : sensibiliser l’opinion publique américaine au scandale de l’apartheid.
Il s’est éteint le 25 août, emporté par un cancer du cerveau à l’âge de 77 ans après quarante-six années passées au Sénat. À l’annonce de sa mort, l’ANC n’a pas manqué de rendre hommage au frère du président assassiné à Dallas en novembre 1963.
Bon vivant, séducteur parfois scandaleux, Ted Kennedy s’est engagé dans la lutte contre les discriminations dès le début de sa carrière politique. Son arme principale ? La loi. Son premier grand combat a été celui du Voting Rights Act de 1965. À l’époque, certains États du Sud subordonnaient le droit de vote à la réussite d’un test scolaire relativement difficile ainsi que, parfois, au paiement d’une taxe spécifique. Un moyen déguisé d’empêcher les Africains-Américains les plus défavorisés de voter. Kennedy s’insurge contre ces pratiques et deviendra l’un des principaux artisans de la loi, signée par le président Lyndon Johnson le 6 août 1965, qui a permis à toute la population noire de voter.
Opposant tardif à la guerre du Vietnam – qu’il qualifie de « monstrueux scandale » en 1968 –, Ted Kennedy a été toute sa vie un ardent défenseur des droits civiques, « le boulot inachevé de l’Amérique ». Les États-Unis lui doivent de nombreuses lois en faveur de l’éducation, de la santé, de la protection des enfants, des handicapés ou des minorités – dont la Fair Housing Law de 1968 interdisant le refus de vendre ou de louer une maison pour des raisons de couleur de peau, de religion ou d’origine. Candidat malheureux à l’investiture démocrate pour la présidentielle de 1980, Ted Kennedy portera tout au long de sa carrière le poids du scandale dit de Chappaquiddick. En 1969, après une soirée arrosée, il rata un virage et tomba dans l’eau avec sa voiture, entraînant la mort de sa jeune passagère, Mary Jo Kopechne. Ayant tardé à prévenir la police, Ted Kennedy ne se débarrassa jamais vraiment des soupçons pesant sur lui… Il y a un an, celui que l’on surnommait le « lion du Sénat » avait apporté son soutien à Barack Obama, pour qui il était « le défenseur d’un rêve ».
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