Poker menteur à Maputo

Réunies dans la capitale mozambicaine pour finaliser les accords du 9 août, les quatre mouvances politiques malgaches ne sont pas parvenues à s’entendre sur la répartition des pouvoirs au sein des futures institutions de la transition.

Publié le 7 septembre 2009 Lecture : 4 minutes.

Trois semaines après Maputo I et la signature de la charte de transition, qui avait ouvert la voie à une sortie de crise à Madagascar, le second round de négociations qui se tenait dans la capitale mozambicaine du 25 au 27 août n’a pas connu le même succès. Les représentants des quatre mouvances politiques s’étaient donné deux jours pour procéder à 457 nominations. Ils n’y sont pas parvenus, même en jouant les prolongations.

L’enjeu était de répartir entre les mouvances – incarnées par l’actuel président Andry Rajoelina et ses trois prédécesseurs, Marc Ravalomanana, Didier Ratsiraka et Albert Zafy – les postes politiques définis dans les accords du 9 août : la présidence de la Haute Autorité de transition (HAT), la vice-présidence, la primature et les 3 vice-primatures, ainsi que les 28 portefeuilles ministériels. Étaient également à pourvoir les 65 sièges du Conseil supérieur de la transition, les 258 sièges du Congrès de la transition et une centaine d’autres fonctions au sein de divers organes consultatifs. Le 27 août au soir, les trois-quarts des postes étaient pourvus. Mais les négociations avaient achoppé dès le début de la rencontre sur les deux fonctions clés : la présidence de la transition et la primature.

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Plusieurs combinaisons ont été proposées au cours des multiples rencontres animées par le Mozambicain Joaquim Chissano, président du Groupe international de contact (GIC). Didier Ratsiraka s’est d’emblée déclaré candidat à la présidence, puis a revendiqué la primature, proposant même deux noms de femmes pour occuper le poste. Marc Ravalomanana semblait prêt à le soutenir, lui qui l’avait chassé du pouvoir et condamné à l’exil en 2002. Une alliance pour le moins improbable dont l’objectif premier semble surtout d’isoler Rajoelina.

Rajoelina ne lâche rien

Mais la délégation accompagnant ce dernier n’a rien voulu céder : « Nous avions décidé que la présidence et la primature devaient nous revenir de droit, indiquait l’un de ses membres. Nous avons la légitimité populaire et le soutien de l’armée. » Les deux hommes forts de la HAT ont en effet lié leur destin. « La transition, ce n’est pas seulement Rajoelina, mais le tandem Rajoelina-Roindefo, explique l’universitaire Lucile Rabearimanana. Pour ceux qui sont descendus dans la rue en début d’année, il est impensable que l’actuel Premier ministre disparaisse. »

Depuis Maputo I, Monja Roindefo, qui craint de devoir céder son fauteuil, ne cachait pas sa déception. Très critiqué à son retour du Mozambique, le 10 août, le président de la HAT avait été accusé par son propre camp de s’être fait berner par ses aînés, Ravalomanana et Ratsiraka. « Que pouvait un jeune homme de 35 ans face à ces deux briscards de la politique ? » s’interrogeait alors un de ses partisans.

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Pour éviter un second revers, la mouvance Rajoelina s’est donc rendue en masse à Maputo II – la délégation comptait trente membres, dont plusieurs personnalités connues pour leur intransigeance. La tactique a fonctionné : la mouvance n’a rien lâché, mais elle est aujourd’hui pointée du doigt par les autres protagonistes. Roindefo, pour sa part, accuse Ratsiraka, qui aurait revendiqué « à tout prix » la primature, d’être responsable de l’échec des négociations. Et il dénonce « la sympathie du GIC » pour les positions de « l’amiral rouge ».

Les quatre mouvances ont jusqu’au 4 septembre pour trouver une solution. Après cette date, si rien ne bouge, les organisations internationales dont est membre Madagascar n’auront plus d’interlocuteur. Et « les bailleurs de fonds ne seront pas pressés de reprendre leur coopération » avec la Grande Île, a conclu Chissano.

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Reste à savoir, si un accord est conclu, quelle sera l’attitude de l’armée. L’ombre de la Grande Muette n’a jamais cessé de planer sur Maputo. Le général Randrianafidisoa l’a signifié le 26 août : « Aucun pouvoir non soutenu par l’armée ne réussira à diriger le pays. Il est donc impossible de ne pas confier la présidence de la transition à Rajoelina. » Quelques jours plus tôt, le ministre des Forces armées, le colonel Noël Rakotonandrasana, avait annoncé qu’en cas d’échec des discussions il prendrait les dispositions nécessaires pour sécuriser les points stratégiques de l’île. Et dès le début de la semaine, les patrouilles se sont faites plus nombreuses dans la capitale, Antananarivo, où l’atmosphère est restée tendue tout au long des négociations.

L’armée veille au grain

L’armée reprendra-t-elle le pouvoir, plus de cinq mois après l’avoir reçu des mains de Ravalomanana pour le transmettre aussitôt à Rajoelina ? « Non », assure Rakotonandrasana, qui indique faire confiance aux politiques pour s’entendre. Mais « si l’accord ne leur plaît pas, ils sont capables de bouger », soutient l’un des généraux proches du gouvernement de transition. Depuis la chute de Ravalomanana, l’armée a son mot à dire. Peu avant les négociations du 9 août dernier, elle s’était opposée à un éventuel retour au pays de ce dernier. « Cela entraînerait inévitablement de graves troubles », lisait-on, le 5 août, dans un communiqué signé par le ministre des Forces armées, le secrétaire d’État à la Gendarmerie et le chef d’état-major.

Le 14 août, « la grande famille des Forces armées malgaches » est à nouveau sortie de sa réserve en stigmatisant l’article 22 de la Charte signée le 9 août à Maputo. Selon cet article, un Comité de réflexion sur la défense et la sécurité nationales doit être créé ; il sera « composé de membres désignés par les mouvances politiques, à raison de deux représentants par mouvance ». Un mode de désignation qui, estiment certains officiers, va à « l’encontre des dispositions prônant la dépolitisation des forces armées » promises par le régime.

S’il affirme être prêt à travailler avec toutes les mouvances, Noël Rakotonandrasana, qui a joué un rôle majeur dans la mutinerie de mars dernier, conserve la haute main sur la troupe. Acteur clé de la transition, il est aujourd’hui considéré comme le numéro trois du régime, après Rajoelina et le Premier ministre. « En leur absence, c’est lui qui dirige le gouvernement », affirme un membre de la HAT. Un homme qui compte…

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