Sous le voile…

Fawzia Zouria

Publié le 27 août 2009 Lecture : 2 minutes.

Les Français resteront fidèles à leur réputation de déverrouilleurs de conscience et de sacrés affranchis, côté sexe ! Le mérite revient, en l’occurrence, aux éditeurs parisiens qui ont les premiers défloré la pudeur arabe et mis en scène la sexualité des odalisques, jusqu’alors confinée dans les alcôves et derrière les moucharabiehs.

Avec la publication de L’Amande, de Nedjma, le premier roman érotique d’une femme arabe, qui eut un immense succès, la brèche fut ouverte. D’autres éditeurs ou auteurs de la littérature du sexe dévoilé s’y sont vite engouffrés. Il y eut La Preuve par le miel, de Salwa al-Neimi, œuvre bien moins osée que le deuxième livre de Nedjma, La Traversée des sens, l’initiation sexuelle d’une jeune musulmane sur fond de dictature islamique. En un peu plus soft, il y eut également Les Filles de Riyad, de Rajaa Alsanea.

la suite après cette publicité

Tout cela pour dire que, si Londres nous a offert les Salman Rushdie et les Taslima Nasreen, c’est-à-dire une littérature puisant dans le corpus religieux et sociologique de l’islam, les Français nous donnent à lire le volet libertin et érotique de cette civilisation. À vous de juger laquelle de ces deux littératures est plus à même de révolutionner les mentalités des sociétés arabo-musulmanes…

L’on ne s’attendait pas vraiment que la littérature sensualiste gagne l’ensemble des pays arabes eux-mêmes, et voilà que les Libanais dégainent les premiers. Il est vrai que les descendants des Phéniciens ont toujours été à l’avant-garde de la pensée arabe et dans les arcanes de toutes ses renaissances. La revue trimestrielle Jasad, lancée à Beyrouth par Joumana Haddad, au début de 2009, fait déjà un tabac. Ce « magazine du corps dans tous ses états », tel qu’il se définit lui-même, veut « briser les tabous qui perdurent au sein du monde arabe et arrêter l’hypocrisie et la schizophrénie qui y règnent quand il s’agit de parler du corps ».

Jasad, qui signifie « corps », justement, traite de tout : fétichisme, masturbation, homosexualité, plaisir… et on y trouve même, cerise sur le gâteau, des recettes aphrodisiaques. Vendu 10 dollars le numéro, il s’est diffusé sans problème au Liban. Sur les 7 000 exemplaires imprimés, 4 000 se sont écoulés en l’espace de onze jours. « Mon distributeur a été étonné : il m’a dit que le magazine se vendait bien, même dans les petits villages », confie Joumana Haddad. Une précision, toutefois : la revue est vendue sous un sac en plastique portant la mention « Pour adultes ».

Si certains éditorialistes arabes se sont contentés de parler d’un « vrai cocktail Molotov dans le monde musulman », les moralistes et les barbus ont très peu goûté le phénomène Jasad, cela va de soi. Un courrier d’insultes abondant fut adressé à Joumana Haddad, accusée de « corrompre les nouvelles générations » et promise à l’enfer. La plupart de ces menaces lui sont parvenues des pays du Golfe, ces gardiens de la vertu qui sont à la liberté sexuelle ce que les Français sont à la bigoterie – ses pires ennemis. Mais comme ils ne sont pas à une contradiction près, ces mêmes pays, dont l’un d’eux, Abu Dhabi, a interdit un numéro de J.A. parce que la photo de couverture exhibait le dos nu d’une femme, s’arrachent la nouvelle revue libanaise. Sous le manteau, bien sûr !

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires