Attention, livre dangereux

Thriller politique, le nouveau roman de Patrick Besson est un pavé dans la mare de la Françafrique. Avec pour toile de fond le génocide qui a ravagé le Rwanda.

gouraud (1)

Publié le 27 août 2009 Lecture : 3 minutes.

Dans le petit village littéraire gaulois, Patrick Besson occupe une place à part. Physique d’Obélix mais malice d’Astérix, c’est pourtant au barde de la fameuse bande dessinée qu’il ressemble le plus : il fait tellement mal aux oreilles qu’on a souvent envie de le bâillonner. Comme Assurancetourix, Patrick Besson a un peu tendance à se mêler de tout, à intervenir à tout propos, à donner son avis à tout bout de champ – de préférence quand on ne le lui demande pas. Depuis une bonne vingtaine d’années, ses chroniques font grincer les dents du Tout-Paris littéraire, artistique, politique, syndical, religieux, journaliste… (son champ de tir n’a pas de frontières). Publiées d’abord dans L’Humanité, le quotidien du Parti communiste, puis dans Le Figaro magazine, l’hebdomadaire de la bourgeoisie, et aujourd’hui dans Le Point, ses chroniques acidulées et drôlissimes (même et surtout lorsque le sujet est dramatique) l’ont rendu célèbre, à la fois redouté et très recherché. Car – c’est là sa différence avec le barde gaulois qui chante faux – Besson a un talent fou.

Habile labyrinthe

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Écrivain précoce (premier roman à 17 ans) et prolifique (une bonne cinquantaine d’ouvrages), ayant reçu très tôt les plus hautes distinctions littéraires, aujourd’hui membre du jury Renaudot, il est un des rares écrivains français dont les nouveautés sont toujours attendues avec impatience. Et inquiétude.

Avec le roman qui paraîtra à la rentrée de septembre, les inquiets vont être servis. C’est un énorme pavé (près de 500 pages) : un pavé, en effet, dans la mare de la Françafrique. Dans l’habile labyrinthe de l’intrigue, on croise d’anciens agents de la DGSE reprenant du service à la demande de puissances étrangères, de jolies femmes dont une au moins, d’origine russe, a travaillé pour le KGB, des chefs d’État africains cyniques (parfois pire) – pour lesquels l’auteur éprouve néanmoins une espèce de fascination –, un curé génocidaire, un jeune métis découvrant sur le tard la stupéfiante identité de son père, de jolies filles dont, parfois, le ramage vaut largement le plumage. Et puis, personnage principal, peut-être, du livre : la ville de Brazzaville, grouillante de vie, criante de vérité.

Pour choisir le titre de son roman, Besson s’est inspiré d’une chanson qu’il a entendue, dit-il, sur les rives du Congo : Mais le fleuve tuera l’homme blanc. Ce livre, à la fois terrible et magnifique, pourra être lu à divers niveaux. On pourra n’y voir qu’un polar africain, un thriller doublement noir, une sorte de SAS à Brazza, en mieux évidemment. On pourra y voir aussi un roman à clé : ceux qui connaissent l’Afrique y reconnaîtront sans difficulté des situations, des lieux, des personnages familiers. Ici, la toile de fond est fournie par le génocide qui a ravagé le Rwanda, et dont les séquelles, notamment en ce qui concerne les relations entre ce pays et la France, sont loin d’être soldées. Besson imagine (mais est-ce tellement inimaginable ?) qu’elles se prolongent par quelques règlements de comptes sur les bords du fleuve Congo.

On pourra lire, enfin, ce livre comme un brûlot politique, ou comme une œuvre de pure littérature, riche de ses mille digressions (dont on aura un échantillon dans l’extrait pp. 172-173). Pour ceux qui seront tentés de pénétrer dans ce livre touffu, un conseil : qu’ils se munissent, eux aussi, d’une machette. Elle pourra leur servir tant pour se frayer un chemin dans l’épaisse forêt de l’intrigue que pour se défendre contre les innombrables agresseurs qui surgissent à toutes les pages.

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Livre de mort et d’amour

Attention ! Ce livre est dangereux. Non seulement on en sort épuisé, lessivé, essoré, mais on y perd, au passage, ses (éventuelles) dernières illusions sur la nature humaine : Blancs ou Noirs, il n’y en a aucun pour rattraper l’autre. Ce qui sauvera le lecteur de la déprime, c’est l’espèce de gaieté qui se dégage de l’écriture de Besson, une sorte d’allégresse, d’élan, de vitalité qui emporte tout et lui permet de tout dire, y compris ce qu’il n’est généralement pas convenable de dire, y compris l’indicible, et de tout raconter, y compris les pires horreurs : elles s’accompagnent toujours de renaissance, de résurrection. Si l’on tue beaucoup, on fait aussi beaucoup d’enfants, dans ce livre. On s’y livre à toutes sortes d’acrobaties érotiques. Ce livre de mort est aussi un grand roman d’amour. Rencontre avec Patrick Besson.

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