Projets de villes
L’un des plus grands défis du pays sera, incontestablement, la maîtrise de son développement urbain. à commencer par l’habitat.
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Avec la fin de la crise, le pays devrait redevenir une plaque tournante du commerce régional. La croissance, un temps interrompue, atteindra 3 % cette année et probablement beaucoup plus les années suivantes. Les démographes prévoient que la population totale du pays pourrait atteindre, voire dépasser, les 40 millions d’habitants en 2050. À cette date, entre 25 millions et 30 millions de personnes devraient vivre dans les villes, contre la moitié de la population actuellement et seulement 20 % dans les années 1960. « Les responsables de la politique de la ville sont engagés sur tous les fronts. Il y a bien sûr les grands programmes de développement à Abidjan et à Yamoussoukro, mais aussi ceux des six centres secondaires : Bouaké, San Pedro, Korhogo, Odiénné, Daloa et Bondoukou », explique un ancien conseiller du ministère de la Construction. La demande est telle qu’il faut construire de nouvelles villes à la périphérie de celles existantes. Ce n’est pas toujours facile, même si les terres non immatriculées appartiennent à l’État. Il faut tenir compte du droit coutumier et voir comment dédommager les villageois ou les intégrer dans le projet urbain.
De la décentralisation à l’initiative privée
Les besoins nationaux sont estimés à plus de 50 000 logements par an, dont plus de 25 000 pour la seule agglomération d’Abidjan. La production actuelle ne dépasse guère plus de 4 000 unités. Il faut aussi prévoir les plans d’aménagement urbain (latrines, eau, électricité) sans lesquels la vie des populations est un enfer. Actuellement, à peine 49 % des ménages ont accès à des installations sanitaires appropriées, les investissements nécessaires en matière d’assainissement et de drainage s’élevant à plus de 500 milliards de F CFA (762 millions d’euros).
Des années 1960 au début des années 1980, les secteurs de l’urbanisme, de la construction et des travaux publics accaparaient à eux seuls 50 % des budgets d’équipement de l’État. Mais les mesures d’ajustement structurelles imposées par les institutions de Bretton Woods dans les années 1990 puis la crise politico-militaire ont fait naître une autre conception de l’aménagement, qui repose sur la décentralisation vers les municipalités. Aujourd’hui, l’État a défini une politique de l’habitat dont l’un des objectifs majeurs est de promouvoir les initiatives privées. Se recentrant sur un rôle plus régalien, les autorités ont mis en place un certain nombre de mécanismes de facilité ou d’exonération au profit des opérateurs.
Plus de 70 quartiers précaires dans la capitale économique
À Abidjan, les promoteurs immobiliers ne manquent pas, mais la gestion urbaine reste préoccupante. La ville, où vivent actuellement 3,9 millions d’habitants (5,8 millions avec la périphérie), compte 72 quartiers précaires, que sont venus grossir les rapatriés du Nord au lendemain de la tentative de coup d’État de septembre 2002. « La capitale économique grignote, sous la poussée démographique, entre 500 et 600 hectares de terre par an, explique Diakité Oumarou, directeur technique de Sophia Immobilier. Si rien n’est fait rapidement, le nord-ouest de la ville sera occupé avec un tel désordre et une telle incohérence qu’il deviendra un énorme bidonville. »
À l’est, la ville s’étire également vers Bassam, gagnant sur les plantations. Les problèmes d’habitat insalubre, de non-respect des normes, de nuisances et de pollution industrielle et sonore se multiplient. Le manque d’ouvrages de consolidation, notamment de canaux en béton, entraîne une érosion qui est souvent à l’origine de l’envasement des baies. De même, l’insuffisance d’aménagement des bassins d’orages engendre des inondations en période de pluie.
Une priorité : l’assainissement
« Il faut revoir le plan d’urbanisme, qui date de 1979, explique l’architecte Issa Diabaté. Nous avons besoin d’un nouveau document directeur pour une agglomération qui pourrait accueillir 10 millions de personnes en 2050 et les dépasser à plus long terme. » Pour faire face à ces problèmes, les autorités ont néanmoins lancé un programme d’urgence pour la mise en conformité des infrastructures d’assainissement. Coût : 424 millions de F CFA (646 384 euros). Le chantier concerne les communes de Koumassi, Cocody et Plateau. « Nous essayons de faire ce que nous pouvons avec les moyens dont nous disposons », confiait Marcel Amon-Tanoh, le ministre de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat, en mai dernier.
Les autorités prévoient également de décongestionner la capitale économique en créant un grand pôle urbain au nord-ouest de la ville. Le temps presse et l’État ivoirien s’est tourné vers la Chine. Le projet est mené par Touré Ahmed Bouah, patron de Sophia Immobilier, avec l’appui du Bureau national d’études techniques et de développement (BNETD, pour les grands travaux), du Centre de promotion des investisseurs en Côte d’Ivoire (Cepici) et de l’Agence de gestion foncière (Agef). Le Peking Investment Founder Group, fonds d’investissement public, et les banques chinoises devraient prêter une partie du financement estimé à 5 000 milliards de F CFA (7,6 milliards d’euros). Ce pôle s’étendra sur 12 000 ha. Il comprend notamment un programme d’aménagement, couplé à un volet immobilier de 50 000 logements destinés aux enseignants, aux forces de l’ordre et de sécurité ainsi qu’aux travailleurs du secteur privé. La maîtrise d’ouvrage devrait être confiée au China Architectural Group et au BNETD.
Un grand absent : le logement social
Le transfert des institutions à Yamoussoukro répond également au besoin de « décongestionner » Abidjan. La construction du Parlement est en cours d’achèvement et les travaux de la présidence viennent de commencer.
Dotée d’un plan d’urbanisme adéquat, la capitale politique s’apprête à accueillir de nouveaux arrivants. Selon les projections, la population devrait passer de 300 000 personnes actuellement à 1 million en 2050.
À Bouaké, le Premier ministre, Guillaume Kigbafori Soro, a lancé en juin le Projet d’urgence d’infrastructures urbaines (Puiur), qui doit améliorer l’accès des populations aux prestations de base : alimentation en eau potable, assainissement, gestion des déchets, réhabilitation de la voirie.
Tous ces projets ne répondent pas, pour l’instant, aux besoins en matière d’habitat social, pour lesquels les pouvoirs publics n’ont pas encore trouvé les financements nécessaires. Les promoteurs construisent donc essentiellement des immeubles de moyen et grand standing, qu’ils revendent aux plus aisés et à la diaspora. Ces derniers, à leur tour, les revendent, les louent, en font leur résidence secondaire… ou leur deuxième bureau.
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