Jean Kacou Diagou : « Le plus difficile est derrière nous »

L’heure est à la relance, et le secteur privé est en première ligne. Pour voir plus loin, le patronat prépare un plan stratégique 2010-2040.

Publié le 1 septembre 2009 Lecture : 5 minutes.

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Côte d’Ivoire: déclic électoral?

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Jeune Afrique : Quel sera l’impact de la crise mondiale sur les activités en 2009 ?

Jean Kacou Diagou : Malgré la conjoncture internationale, l’économie ivoirienne connaît un léger frémissement. On s’attend à une croissance de plus de 3 %. Le commerce intracommunautaire nous permet d’atténuer les effets de la crise.

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Pour les activités dépendant des marchés occidentaux, on s’attend néanmoins à une baisse des exportations. Cela représente un manque à gagner pour les producteurs, les finances publiques et les industries de transformation.

La baisse de la consommation dans les pays riches et la chute des cours du pétrole, de l’hévéa et du palmier à huile ont également réduit nos marges. Les prix commencent actuellement à remonter. On peut penser que la période la plus difficile est derrière nous.

Comment les entreprises ivoiriennes s’en sortent-elles après sept ans de crise politico-militaire ?

Globalement, elles ont fait le dos rond et réaménagé leur outil de production. Les entreprises ivoiriennes ont néanmoins payé un lourd tribut à la crise. Plus personne ne nous faisait confiance, et le risque pays était des plus élevés. Nous devions honorer nos factures cash. On nous fait à nouveau crédit. L’État a également commencé à régler une partie de la dette ­intérieure aux PME-PMI et aux artisans. Les grandes entreprises attendent encore, notamment les remboursements des avances de taxe sur la valeur ajoutée [TVA]. Faut-il revoir la méthode de prélèvement de la TVA en revenant à un régime permettant aux entreprises de garder leur trésorerie ? Quoi qu’il en soit, il faut trouver un système où l’État et les entreprises trouvent leur compte.

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Comment le paysage économique a-t-il évolué pendant la crise ?

Au lendemain des événements du 19 septembre 2002, les entreprises ivoiriennes, surprises, ont accusé le contrecoup de la partition du pays en deux parties et la perte des parts de marchés de l’hinterland.

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Elles se sont ensuite restructurées pour s’adapter à la situation en réduisant leur voilure et en réorientant leurs stratégies commerciales. De ce fait, beaucoup ont retrouvé de nouvelles parts de marché à l’export.

Après le départ de nombreux entrepreneurs français en novembre 2004, certains investisseurs nationaux et étrangers, dont les Libanais, ont pris le relais dans les industries de production et de distribution. Les banques, les télécoms, les assurances sont les secteurs qui s’en sortent le mieux.

La Côte d’Ivoire reste un carrefour régional. Elle représente 40 % du produit intérieur brut de l’Union économique et monétaire ouest-africaine [Uemoa], contre plus de 50 % avant la crise. Une fois la présidentielle passée, il faudra mettre en place un gouvernement de bataille, avec des hommes ayant une homogénéité de vision et de gestion pour relancer la machine.

Les activités reprennent-elles dans le Nord ?

L’économie formelle avait presque disparu, laissant la place au troc et à la contrefaçon. L’État avait du mal à recouvrer les taxes, et les sociétés publiques fournissaient l’eau et l’électricité gratuitement. On y vivait tant bien que mal, plutôt mal que bien.

Désormais, les entreprises structurées se redéploient progressivement, le retour des banques est une bonne chose, l’insécurité est en baisse. Mais, malgré les incitations fiscales de l’État, ce n’est pas la ruée. Les investisseurs ne seront vraiment rassurés que quand la situation sera totalement stabilisée, sécurisée, et que l’administration refonctionnera normalement.

Et dans l’Ouest ?

Hormis dans la région des Montagnes, les opérateurs ne rencontrent plus trop de problèmes de sécurité, et la ville de San Pedro est appelée à devenir le deuxième pôle économique du pays. Cependant, l’exploitation du minerai de fer, qui devait être le moteur du développement, n’a pas atteint les espérances. On doit réfléchir à un système fiscal plus attractif, avec, éventuellement, la mise en place d’une zone franche.

L’État a des moyens, en témoignent les grands travaux lancés pour déplacer les institutions à Yamoussoukro et les projets du Grand Abidjan…

Les symboles sont importants pour la restauration de la paix. Mais, maintenant, il faut aller au-delà et relancer l’appareil productif, les investissements sanitaires, éducatifs et sociaux, et se mobiliser pour l’emploi.

Que pensez-vous des attributions de marchés de gré à gré ?

D’une manière générale, les marchés de gré à gré ne sont pas recommandés dans une économie moderne pour les marchés d’une certaine importance. La Côte d’Ivoire s’est dotée d’un code des marchés publics qui fonctionne et qui doit être respecté par tous pour assurer la transparence et entretenir une saine concurrence.

Et quid de l’amélioration de l’environnement des affaires ?

Les décisions judiciaires équitables sont indispensables pour assurer la sécurité judiciaire et améliorer l’environnement juridique des affaires. C’est un moyen puissant pour attirer les investisseurs.

Pour sa part, la CGECI a suggéré la création de tribunaux de commerce et recommande, en plus, aux entreprises, d’inclure désormais dans leurs contrats la clause d’arbitrage pouvant leur permettre la saisine de la cour d’arbitrage de l’Ohada [l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, NDLR] en cas de conflit.

L’économie ne semble pas être au cœur des premiers meetings de campagne des candidats à la présidentielle…

La campagne officielle n’ayant pas encore commencé, nous pourrons discuter de cette question avec les principaux candidats le moment venu pour qu’ils nous présentent leur vision du développement économique. Nous allons les écouter, échanger avec eux et leur faire part de nos priorités.

Le patronat a sa propre vision du développement économique et social. Pouvez-vous nous dire ce qu’il y aura dans le plan stratégique 2040 de la CGECI ?

Il est en cours d’élaboration. Nous visons loin, à l’échelle d’une génération. On veut que la Côte d’Ivoire se donne un défi permanent pour obtenir le « meilleur ». Il faut tout reprendre à la base et miser sur les hommes. La petite école doit redonner des valeurs aux jeunes, les universités doivent rechercher l’excellence. Nous avons besoin d’hommes avec des idéaux et une capacité de surpassement. Le reste – la bonne gouvernance, les projets, les moyens, les investissements étrangers – suivra. La Côte d’Ivoire a conservé son potentiel de développement. Il faut maintenant relancer les activités par une ferme volonté politique.

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