L’opposition en ordre dispersé

Face à un Dadis Camara qui dissimule de moins en moins ses ambitions, l’opposition guinéenne n’arrive pas à dépasser ses divisions et organiser une stratégie commune.

Publié le 31 août 2009 Lecture : 4 minutes.

« Beaucoup pensent que j’ai peur d’annoncer ma candidature. Je vais être clair. Si le peuple me demande de me présenter aux élections, je le satisferai. Si je veux être candidat, je le serai. Personne ne pourra m’en empêcher », affirmait à Conakry, le 8 août dernier, le capitaine Moussa Dadis Camara, à l’occasion de la remise du prix du mérite et du courage que lui a décerné le Conseil international des managers africains (Cima), pour récompenser son engagement dans la lutte contre la drogue. Cette déclaration de l’homme fort du pays prouve une fois encore que la question de sa participation à l’élection présidentielle le turlupine plus qu’il veut le faire croire. Il a promis de ne pas se présenter en 2009 et laissé planer le doute pour 2010. Bien que la commission chargée de faire le point sur la transition ne rende ses conclusions officielles qu’à la mi-août, il est quasi certain que le scrutin n’aura pas lieu cette année.

En effet, après quinze jours de débats, ses vingt-deux membres – représentant des partis politiques, syndicats et organisations de la société civile, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et le ministère de l’Administration du territoire et des Affaires politiques (Matap) – ont estimé qu’il était « techniquement » impossible d’organiser des élections crédibles avant la fin de 2009. Selon les nouvelles propositions, la présidentielle devrait donc avoir lieu le 31 janvier 2010. Les législatives seraient ensuite organisées par le nouveau régime.

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Rien n’est encore entériné. Dès sa prise du pouvoir, le CNDD s’était déclaré en faveur d’élections fin 2010. Dadis et ses hommes faciliteront-ils la tenue d’un scrutin en tout début d’année, comme le propose la commission ? De leur côté, certains membres des Forces vives (FV, regroupant aussi des syndicats et organisations de la société civile) n’entendent pas céder sur le chronogramme initial, c’est-à-dire des élections en 2009. Et sur cette question comme sur d’autres, il y a des divergences parmi les leaders politiques.

« S’il y a une volonté du pouvoir, les élections peuvent avoir lieu en 2009 », défend un cadre d’un parti préférant garder l’anonymat, non sans revenir sur la nécessité de créer le Conseil national de transition (CNT, qui aurait dû être opérationnel depuis mars 2009), chargé de la révision de la Constitution. Pour sa part, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, estime que le CNT n’est pas indispensable et que sa création ne doit plus retarder le processus. « La Constitution a été supprimée par une ordonnance du CNDD, elle peut être rétablie par la même voie. On peut aller rapidement aux législatives avec l’ancienne Constitution. Une fois le Parlement installé, sa première mission sera d’en adopter une nouvelle avec laquelle nous irons à la présidentielle », explique-t-il. Tandis que d’autres soutiennent que le report des élections à 2010 est inévitable. « Il y a beaucoup de choses qui doivent être prises en compte avant les scrutins », rappelle de son côté Ousmane Bah, le leader de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR), également membre des Forces vives. « Par exemple, poursuit-il, la limitation à deux mandats présidentiels, la création d’un poste de Premier ministre-chef de gouvernement ou même l’allègement des pouvoirs du chef de l’État. » Et de conclure : « On ne veut pas d’élections bâclées. » Les Forces vives (comprenant quatre-vingts formations politiques), qui étaient jusqu’à présent le principal interlocuteur du CNDD, ont bien du mal à parler d’une seule voix.

Pendant ce temps, une quinzaine d’autres partis politiques, « pro-2010 », regroupés au sein du bloc des Forces patriotiques soutenu par l’ancien Premier ministre Lansana Kouyaté (voir ci-contre), prennent leurs marques. Ils ont été accueillis à bras ouverts le 29 juillet par le commandant Moussa Keïta, secrétaire général à la présidence de la République, tenu pour responsable par les FV de nombreux blocages de la transition. Il est d’ailleurs l’auteur de la très contestée déclaration : « Dadis ou la mort ! »

Consensus de façade

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Pour Jean-Marie Doré, le porte-parole des FV (également président de l’Union pour le progrès de la Guinée, UPG), ce bloc est constitué de « gens insignifiants qui ont créé des partis insignifiants ». Insignifiants ou pas, ils pourraient non seulement bénéficier du soutien de l’armée, mais aussi profiter de la confusion régnant au sein des FV, qui, faute d’union et de cohérence, perdent peu à peu la confiance des Guinéens. « Le CNDD n’a certes pas fait beaucoup d’efforts pour faciliter la transition, mais les Forces vives ne font pas le poids face à l’armée. Il y a trop de cafouillages », analyse Siré, un jeune diplômé, chômeur, habitant le quartier défavorisé de Hafia, à Conakry.

En clair, cela signifie que si la classe politique veut être crédible, il serait temps qu’elle mette de côté ses contradictions et qu’elle conçoive un projet électoral viable autour d’un consensus réel et non de façade. Elle pourra ainsi peser de tout son poids face à un pouvoir plutôt affaibli. La junte est loin d’être dans les bonnes grâces d’une partie de la population lassée par la misère et l’incertitude, d’une communauté internationale critique et tatillonne, et de voisins africains qui voudraient voir le pays revenir à une certaine stabilité.

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