Le retour de l’Amiral rouge

Le sommet de Maputo, qui ouvre la porte à une transition consensuelle à Madagascar, a été marqué par le come-back de Ratsiraka sur la scène politique.

Publié le 1 septembre 2009 Lecture : 3 minutes.

« C’était le sommet de Ratsiraka », raconte un des participants à la réunion de Maputo (Mozambique). Sorti pour la première fois de son exil parisien, l’ancien chef de l’État Didier Ratsiraka, chassé du pouvoir par la rue en juillet 2002 après avoir refusé la victoire à son challenger Marc Ravalomanana, est revenu sur le devant de la scène politique au gré d’une nouvelle crise.

Âgé de 73 ans, celui qui a dirigé Madagascar pendant près de vingt-quatre ans n’a plus guère d’ambition politique. Peut-être juste une revanche à prendre sur cette nouvelle génération de leaders, pour lesquels il n’a que peu d’estime. Il n’a jamais pardonné au « laitier » – Ravalomanana a fait fortune avec la production de yaourt – de l’avoir poussé dehors. Et s’il n’a pas caché avoir soutenu Andry Rajoelina, le maire d’Antananarivo, aux premières heures de son combat contre Ravalomanana, il a très vite lâché le « DJ » ambitieux, qu’il tient pour « intéressé uniquement par l’argent et le pouvoir ».

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Isolé dans son exil, refusant depuis 2002 de parler aux médias, l’ancien chef de l’État était quasi rangé dans les cartons de l’histoire. Et le revoilà, à Maputo, entonnant l’hymne national malgache, avant d’être suivi par les autres, puis imposant un préalable au dialogue, immédiatement accordé. Il a en effet obtenu sans discussion l’annulation de toutes les condamnations prononcées contre lui.

Privilège de l’âge, et d’une certaine légitimité passée, lui-même comme le professeur Albert Zafy (82 ans), chef de l’État de 1993 à 1996, ont eu droit au titre de « président » pendant les discussions. L’Amiral, lui, s’est contenté d’un « monsieur » pour s’adresser à Ravalomanana ou à Rajoelina.

Retour des forces de l’inertie

Pour le retour au pays, que plus rien n’empêche, il exige un logement décent ; Rajoelina lui aurait promis de faire le nécessaire. La villa présidentielle qu’il occupait dans la capitale est devenue le bureau de lutte contre la corruption, et sa demeure privée près de Toamasina a été occupée par l’armée.

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« C’est le retour des forces de l’inertie », regrette Monja Roindefo, Premier ministre de la Haute Autorité de transition (HAT), qui condamne la réhabilitation par la communauté internationale « des valeurs telles que l’impunité, la vanité et le népotisme ».

Pourquoi en effet être allé rechercher l’ancien dictateur et le vieux professeur Zafy alors qu’ils ne sont pas directement liés à la crise actuelle ? L’idée de la médiation n’était pas si saugrenue. Leur présence a permis d’éviter un tête-à-tête entre deux Merinas – les habitants des hauts plateaux –, deux rivaux à couteaux tirés, et de désamorcer les tensions. Et surtout de solder les comptes des crises passées. « Ils ont joué leur rôle. Zafy a distribué la parole, Ratsiraka a conduit des apartés, et les négociations ont pu avancer », commente un observateur.

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Aujourd’hui pourtant, dans le camp d’Andry Rajoelina, la pilule de l’ouverture passe mal. « Pourquoi partagerions-nous les postes en nombre égal avec des mouvances qui ne sont pas représentatives du paysage politique actuel », s’interroge Norbert Ratsirahonana, un proche du président de la HAT.

Du côté des partisans de Marc Ravalo­manana, il y a un peu d’amertume. Leur leader a fait d’énormes concessions, acceptant de ne pas rentrer immédiatement à Madagascar et de ne pas participer en personne à la transition. « Je ne serai pas un obstacle à la sortie de crise », a assuré l’ancien chef de l’État dans un message à la nation. Il a fait « preuve de courage », assure un médiateur. En revanche, ses hommes ne baissent pas les bras et discutent déjà les noms des futurs membres de la transition. Pendant ce temps, dans le camp Rajoelina, chacun s’accroche à son siège… Si le sommet de Maputo a été une avancée indéniable, la foire d’empoigne, elle, n’a pas encore réellement commencé.

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