Le scandale des sandales

Fouad Laroui © DR

Publié le 10 août 2009 Lecture : 2 minutes.

Je viens de tomber sur une statistique assez extraordinaire. Chaque année, les Belges donnent à des organisations charitables genre Emmaüs quatorze millions (!) de paires de souliers, de bottes, de savates, de mocassins, de sandales, de pantoufles, d’escarpins, de bottines, de sabots (bien sûr), d’espadrilles, de brodequins, de chaussons (ça doit être Cendrillon), de godillots, de galoches et même de babouches (y a plein de musulmans chez le roi des Belges).

Imaginez la montagne que cela fait ! Et le nombre de coups de pied au c… qui se perdent à cause de cette ­déperdition – mais ce n’est pas l’objet de cette chronique. Il paraît que ces chaussures, mises bout à bout, permettraient d’atteindre la Lune : quatorze millions de petits pas, un grand bond pour l’humanité. La Nasa peut aller se rhabiller (ou se rechausser), on n’a pas ­besoin d’elle.

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Vous me dites : « Et alors ? Tout cela est instructif et ne mange pas de pain – heureusement. Mais veux-tu en venir ? » J’y arrive. Où vont, à votre avis, ces quantités astronomiques de chaussures ? On ne les recycle pas, on n’en fait pas des pendules, alors où vont-elles ? Mais en Afrique, bien sûr ! Les organisations charitables les bourrent dans des conteneurs, les chargent sur des navires (chinois, forcément chinois), et vogue la galère, elles débarquent, ces millions de paires, dans les ports du Ghana ou chez les Kényans, qui jusque-là couraient pieds nus – c’est même pour cela qu’ils sont imbattables au cross-country.

Tout est bien qui finit bien ? Que nenni. Il y a un aspect du problème que personne n’avait vu avant que nous ne nous emparions de l’affaire. Ces chaussures n’étant pas neuves, elles ont été portées – c’est La Palice qui l’affirme –, donc elles sont dangereuses. Disons-le franchement : les pieds des piétons puent et sont parfois malades. Ce sont donc des déchets toxiques qu’on exporte vers l’Afrique. Bonjour les mycoses des pieds, l’entérovirus 71, la peste, l’eczéma et les douloureux cors dont les médecins nous affirment qu’ils ne sont pas contagieux – qu’en savent-ils ?

C’est un scandale de proportions bibliques et il est étonnant que les dirigeants des pays en cause s’en soucient comme de leur première paire de guêtres. Ou bien ne se sentent-ils pas concernés par cette histoire parce qu’ils ont l’habitude de se chausser à Paris ou à Milan – sans attendre l’arrivée des conteneurs d’Emmaüs ?

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