Coup de froid pour Obama
Pourtant indispensable, la réforme du système de santé passe mal dans l’opinion. Les républicains se déchaînent et la cote de popularité du président a perdu plus de dix points en quelques semaines.
Si, pour la première fois depuis son élection, le président américain se trouve aujourd’hui sur la défensive, ce n’est ni à cause de l’Iran, ni de la Palestine, ni même de la récession, mais de… la réforme de l’assurance maladie. Dans une interview publiée le 10 août par le magazine Time, Barack Obama a reconnu que faire comprendre à ses compatriotes la complexité de son projet était « la pire épreuve » qu’il ait connue au cours de sa vie publique.
Il espérait que le Congrès adopterait un texte avant les vacances parlementaires, le 8 août, mais son examen a été reporté à septembre : un vrai camouflet. Le président a préféré faire contre mauvaise fortune bon cœur. À l’en croire, peu importe ce contretemps si le travail se poursuit afin de parvenir à un consensus et que la réforme est adoptée à l’automne.
Pourtant, les enquêtes d’opinion montrent un scepticisme grandissant à l’égard de cette réforme. En quelques semaines, la cote de popularité d’Obama a baissé de plus de dix points. Avec son équipe, il va donc mettre à profit le mois d’août pour faire passer le message que les États-Unis courent à la catastrophe s’ils ne parviennent pas à réformer leur assurance maladie.
Car le système américain de protection sociale est l’un des plus mauvais du monde développé. Soins et médicaments sont garantis à ceux qui souscrivent une assurance privée ou dont l’employeur prend en charge ceux-ci. Les enfants, les retraités (Medicare), les plus démunis (Medicaid) et les salariés des entreprises publiques sont couverts par l’État. Mais quelque 50 millions d’Américains ne bénéficient d’aucune protection. En cas d’accident de la circulation, par exemple, ils ne sont pas hospitalisés s’ils ne peuvent prouver qu’une compagnie d’assurances paiera pour eux.
Inefficace et onéreux
Ce système est peu efficace : dans le palmarès des trente pays de l’OCDE, les États-Unis figurent dans le peloton de queue pour l’espérance de vie ou la mortalité infantile.
Il est aussi deux fois plus onéreux que celui des autres pays développés : les Américains dépensent 2 500 milliards de dollars par an pour se soigner, soit 8 160 dollars par habitant et 17,6 % du produit intérieur brut. Les dépenses de santé progressant quatre fois plus vite que les salaires, cette proportion atteindra 20 % en 2018 et 33 % en 2040. Une « bombe à retardement pour le budget fédéral » et un écrasant fardeau pesant sur les familles et les entreprises. C’est pourquoi la réforme du système « avant la fin de 2009 » figurait dans le programme électoral d’Obama.
« Toutes les options sont sur la table, à l’exception du statu quo », a lancé le président, au printemps, avant de confier aux deux Chambres du Congrès le soin d’élaborer un texte consensuel voire bipartisan. Il n’a pas oublié qu’en 1994, Bill et Hillary Clinton avaient été incapables, faute de concertation, de surmonter l’hostilité des professionnels de la santé et des assureurs.
Jusqu’à présent, il était demeuré en retrait, laissant à Rahm Emanuel, son directeur de cabinet, le soin de souffler aux représentants et aux sénateurs les grandes lignes d’un projet inspiré par le sénateur Ted Kennedy. La manœuvre était habile, mais la recherche d’un compromis a été si difficile et si lente que les républicains ont eu le temps de s’organiser pour contre-attaquer. Résultat : les Américains ne sont plus que 49 % à approuver le projet, alors qu’ils étaient 72 % au début.
Sénateur de la Caroline du Sud, Jim DeMint a même annoncé qu’il entendait faire de cette réforme le « Waterloo » d’Obama. Quant aux compagnies d’assurances, elles dépensent des millions de dollars en spots télévisés et en blogs hostiles. Copieusement subventionnés par les lobbies, les républicains et les démocrates conservateurs du groupe dit des Blue Dogs dénoncent essentiellement deux aspects du projet : son coût, difficile à financer, et la menace d’une possible dérive vers une étatisation.
La réforme devrait coûter 1 000 milliards de dollars sur dix ans. Le président affirme avoir trouvé les deux tiers de cette somme grâce à des économies sur les dépenses des programmes publics Medicare et Medicaid et à la diminution volontaire des prix des laboratoires pharmaceutiques et des hôpitaux. Le reste serait obtenu par une surtaxe des revenus supérieurs à 500 000 dollars par an, mais aussi par des pénalités infligées aux entreprises qui ne garantissent pas à leurs salariés une couverture digne de ce nom et aux individus riches et en bonne santé qui refusent de souscrire une assurance.
Pas de médecine « socialiste »
À ceux qui redoutent une limitation de leur liberté de choix, Obama a répondu sans ambages : « Si vous êtes satisfait de votre couverture santé, gardez-la. » Autrement dit : il n’envisage pas une seconde de mettre en place une médecine « socialiste », comme ses adversaires l’en accusent.
Les grandes lignes de la réforme sont connues. Il n’y aura ni cotisation obligatoire ni guichet unique comme en Europe. L’extension de la couverture des plus pauvres sera assurée par des subventions publiques. Une réglementation des contrats d’assurance permettra aux souscripteurs de mettre en concurrence les différentes compagnies. Celles-ci seront obligées d’accepter comme clients les personnes « à risque » (malades, personnes âgées). Une assurance maladie publique pourrait voir le jour pour concurrencer les contrats privés.
Ce ravaudage du système n’est en rien révolutionnaire, mais il est encore trop audacieux pour nombre d’Américains farouchement hostiles à toute augmentation de leurs impôts et à une intrusion de l’administration dans leurs affaires.
Obama a jusqu’à la fin de l’année pour les convaincre du contraire et mener à bien, grâce à la majorité démocrate au Congrès, « la grande œuvre de son mandat », selon les termes de David Axelrod, son conseiller en communication. Au-delà, il se heurtera à la mauvaise volonté de parlementaires entrés en campagne pour les élections de la mi-mandat, en novembre 2010. Par crainte de perdre leurs sièges, ces derniers ne prendront surtout pas le risque de mécontenter qui que ce soit !
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