Un président, un monument et une polémique
Le chef de l‘état et son fils devraient être les bénéficiaires d’un tiers des recettes générées par le « monument de la Renaissance africaine » en construction à Dakar.
Paris a sa tour Eiffel, Rio son Christ rédempteur, New York sa statue de la Liberté et Dakar son « monument de la Renaissance africaine » ! Pour le président sénégalais Abdoulaye Wade, « cet ouvrage digne du continent montre une Afrique sortant des entrailles de la terre, quittant l’obscurantisme pour aller vers la lumière ». Ce projet, comme celui du Parc culturel comprenant le musée des Civilisations, le Grand Théâtre et une école d’architecture, lui tient particulièrement à cœur. Objectif : magnifier les cultures et le patrimoine « matériel et immatériel » du continent. Mais pour l’instant, ils suscitent plus de commentaires que d’admiration. Surtout le monument de la Renaissance africaine, presque achevé.
Payé en terrains
Depuis début août, le débat ne concerne plus ni l’esthétique ni le symbolisme de l’œuvre. Les questions pécuniaires sont à la une. « Wade père et fils se sucrent », a titré un quotidien évoquant l’utilisation des fonds générés par l’exploitation du site. Et la presse n’est pas la seule à s’offusquer. « C’est scandaleux, dénonce un fonctionnaire. Wade a dilapidé les terrains de l’État et va en plus profiter de l’argent. »
Le 1er août lors d’une visite de chantier, Abdoulaye Wade a en effet révélé que 35 % des recettes issues de l’exploitation du site – qui comprendra un musée, une salle de spectacle, un centre d’affaires, des restaurants… – lui reviendront, car c’est lui qui a imaginé l’œuvre (dont il possède les droits de propriété intellectuelle), néanmoins conçue par l’architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa et construite par la société nord-coréenne Mansudae Overseas Project Group of Companies. Ces fonds, dit-il, seront gérés par sa fondation dont Karim, son fils, sera le président du conseil d’administration. Quant aux 65 % restants, il assure qu’ils iront à l’État pour la construction de Cases des tout-petits (écoles maternelles gratuites, voir J.A. n° 2522) au Sénégal et dans la région. Le monument « n’a pas coûté d’argent mais du terrain. Nous l’avons échangé contre des terrains car nous n’avions pas la possibilité de sortir 14 milliards du budget », défend Abdoulaye Wade. Selon lui, il attirera des « centaines de milliers de visiteurs et rapportera des centaines de milliards de dollars ».
Un style contesté
Sceptiques, les Sénégalais continuent de critiquer l’ouvrage. « Il est plutôt moche et totalement inutile », dit Ibou, un jeune habitant de Ouakam, quartier situé au bas des Mamelles. Du côté des religieux, les trois personnages surgis de terre et s’élevant vers le ciel ne sont pas plus appréciés. « C’est un monument païen qui va surplomber Dakar », dénonce un imam (le Sénégal compte 95 % de musulmans). Un étudiant dira même qu’il ressemble un peu trop à « L’Ouvrier et la Kolkhozienne », créé pour le pavillon soviétique de l’Exposition universelle de 1937.
Le monument de la Renaissance africaine, dont les travaux ont débuté fin 2006, devrait être terminé en décembre prochain. L’imposante structure en bronze, d’une durée de vie de 1 200 ans, s’élève à 150 mètres sur l’une des deux collines des Mamelles (volcan éteint), point culminant de la presqu’île du Cap-Vert. L’autre colline abrite depuis 1864 un phare posté à 126 mètres.
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