L’aventure burkinabè de « Sa Sainteté » Raël

Médiatisé par son grand canular sur le clonage humain, le « Prophète », soi-disant émissaire des extraterrestres, se lance dans une nouvelle aventure : rendre un clitoris aux femmes excisées. Portrait de ce gourou sulfureux.

Vue de face de la La Clinique Clitoraid, en 2014. © DR.

Vue de face de la La Clinique Clitoraid, en 2014. © DR.

Publié le 11 août 2009 Lecture : 4 minutes.

Raël, c’est Claude Vorilhon, 63 ans, alias « Sa Sainteté », alias « le Prophète », ou « l’Homme en blanc ». Discret sur ses déplacements, il n’est pas facile de le rencontrer. Mais avec sa tunique blanche en satin aux épaulettes saillantes, ses gardes du corps aux allures de « James Bond girls » et le petit chignon poivre et sel qui orne son crâne dégarni, il est facile à reconnaître. Ancien chanteur de variétés, (en 1966, il est l’auteur de Madam’ Pipi et de Monsieur, votre femme me trompe), ancien journaliste sportif, il se dit porteur d’une révélation : l’humanité serait le fruit de la création scientifique d’extraterrestres, les Elohims.

Et il le tient de source sûre, puisque ce sont les Elohims qui, descendus de leur soucoupe volante, le lui ont personnellement annoncé en 1973, alors qu’il se promenait sur les volcans d’Auvergne. Bouleversé par cette rencontre avec les petits hommes verts, « d’environ 1,20 m, aux longs cheveux noirs, une peau au teint olivâtre et des yeux en amande d’où transpercent l’espièglerie et l’amour », il en retire un premier ouvrage : Le Livre qui dit la vérité.

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En 1975, rebelote, il est emmené par les Elohims sur leur planète où, entre deux rencontres avec Bouddha, Jésus-Christ et Mahomet, dont les prophéties ont été « perverties » par les hommes, il découvre l’incroyable avancée scientifique de ses hôtes. En résumé, l’espèce humaine aurait été créée par génie génétique il y a vingt-cinq mille ans et devrait bientôt, à son tour, être en mesure d’atteindre l’immortalité grâce aux progrès du clonage.

Université du Bonheur

Redescendu sur terre, Raël s’emploie depuis cet hallucinant voyage initiatique à répandre la parole des Elohims par le biais du Mouvement raélien, qui revendique aujourd’hui 70 000 adeptes dans le monde et est considéré comme une secte par les autorités françaises. Car nul n’est prophète en son pays. Claude Vorilhon, harcelé judiciairement en France – un des pays les plus répressifs au monde quant aux activités jugées « sectaires » –, a dissous la branche française de son mouvement en 2003, après s’être fixé au Québec. Aujourd’hui, le siège international du mouvement est basé à Genève, en Suisse, et l’Église raélienne est officiellement présente dans une soixantaine de pays, dont vingt-trois africains.

Même si « l’Homme en blanc » partage l’essentiel de son temps entre les États-Unis et le Japon, il préside régulièrement des stages réunissant des raéliens du monde entier. Après une « université du bonheur » organisée au début d’août à Lendava, en Slovénie, il devait être cette semaine en Toscane (Italie) pour célébrer le nouvel an raélien.

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Glez

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Sa présence est malheureusement jugée trop rare en Afrique, car entre le journaliste déplumé et le continent noir, c’est une véritable histoire d’amour qui s’est forgée. Selon Raël, Adam et Ève, les deux premières créations génétiques des Elohims, étaient noirs. Et il appelle à « une véritable décolonisation de l’Afrique, déchirée par la concurrence économique entre la France, la Chine et les États-Unis ».

Aujourd’hui, « Sa Sainteté » compte des milliers d’adeptes en Côte d’Ivoire (où il dit avoir un dialogue avec les autorités), en RDC (où il dit entretenir des liens avec les kimbanguistes), au Congo-Brazzaville (dont les autorités auraient été sollicitées afin d’offrir un terrain pour la construction de l’ambassade raélienne, qui doit accueillir les Elohims en 2035) et au Burkina Faso. Au grand regret de ses ouailles, il n’est pas encore acquis qu’il participe au stage prévu du 16 au 22 août à Elohika, village raélien à une vingtaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso. Car la deuxième ville du Burkina est une des capitales africaines du raélisme. Selon Lamane Hébié, évêque raélien de Bobo, quelque 2 000 Burkinabè ont adopté le message des Elohims. Si Raël s’est rendu au Burkina en 2008, il limite ses déplacements en Afrique « pour des raisons de santé », explique frère Mathieu, un de ses disciples à Paris.

Restaurer la féminité

Il se murmure toutefois qu’il pourrait venir à Bobo pour l’inauguration cet automne de la « clinique du Plaisir ». Ce bâtiment de 2 000 m2, situé sur la route de Banfora, est l’une des premières réalisations concrètes du mouvement raélien. Pour un investissement de 150 millions de F CFA, assuré par la fondation raélienne, ce centre médical baptisé Clitoraid devrait permettre de restaurer le clitoris de femmes victimes de l’excision. La présidente de la clinique Kamkaso (« maison de la femme » en dioula) est Mariam Banémani Traoré, militante féministe elle-même opérée en 2006. Quelque 200 femmes, raéliennes ou non, sont déjà inscrites sur les listes d’attente de la « clinique du Plaisir » pour se faire restaurer le clitoris selon la technique d’étirement mise au point par le chirurgien urologue français Pierre Foldès. Ce dernier a démenti à plusieurs reprises tout lien avec Clitoraid, qui le citait dans ses brochures.

L’épanouissement sexuel est au cœur de la doctrine raélienne. « L’éveil de ­l’esprit passe par l’éveil du corps », professe le gourou, qui organise régulièrement des stages de « méditation sensuelle » au cours desquels ses adeptes pratiquent une sexualité très libérée et affranchie de tous les dogmes pudibonds des autres religions. Pour Raël, le sexe n’a pas à terme de fonction reproductive, assurée prochainement par le clonage, mais sert au plaisir, nécessaire au cerveau pour qu’il puisse recevoir les messages des Elohims.

Le projet de Clitoraid « a été présenté par une association sous la forme d’un hôpital généraliste normal », explique le ministre de la Santé, Seydou Bouda, interrogé par Jeune Afrique. « Lorsque de telles propositions permettent d’élargir le potentiel sanitaire, on ne fait pas les difficiles […]. Nous aurons un œil vigilant et nous fermerons l’établissement à la moindre dérive », assure le ministre. Mais la dérive est peut-être déjà amorcée ; avec la campagne de collecte mondiale pour financer la clinique, Raël a déjà commencé sa principale quête : celle de l’argent. Un compte est ouvert pour le projet de Bobo à… Las Vegas.

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