Tandja, la voie royale

Nouvelle Constitution taillée sur mesure, magistrature à sa botte, opposition sans stratégie… Après sa victoire au référendum du 4 août, le chef de l’État nigérien a toutes les cartes en main.

Publié le 10 août 2009 Lecture : 4 minutes.

Sans surprise, le « oui » l’a emporté au référendum contesté du 4 août. À 92,5 %, et avec un taux officiel de participation de plus de 68 %. Mamadou Tandja, le chef de l’État, n’a pas dissous les institutions de son pays (Assemblée nationale, Cour constitutionnelle…), bravé l’interdiction de la communauté internationale, affronté la colère de l’opposition et de la société civile nigériennes pour se laisser désavouer au bout du processus. Il est sorti victorieux d’une consultation populaire qu’il a tout fait pour gagner. Ses adversaires politiques l’y ont certes aidé, en demandant à leurs militants de boycotter le scrutin au motif qu’ils n’en reconnaissaient pas la validité et qu’il avait été « jugé illégal par la Cour constitutionnelle dissoute ».

Acte fondateur d’une VIe République, la nouvelle Constitution approuvée par ce référendum modifie en profondeur les institutions du pays. Signe de la totale reprise en main opérée par Tandja, le Niger passe d’un régime semi-présidentiel (dans lequel l’Assemblée nationale proposait le Premier ministre et supervisait l’activité du gouvernement responsable devant elle) à un régime présidentiel, où le chef de l’État détient l’essentiel des pouvoirs.

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Ce dernier ne veut plus revivre le scénario catastrophe d’il y a quelques semaines, quand il avait été obligé de dissoudre l’Assemblée nationale, qui bloquait son projet de réforme constitutionnelle. Le Parlement devient bicaméral, avec la création d’un Sénat où siégeront les représentants des collectivités locales, de la diaspora, des chefs traditionnels, des oulémas… D’autres institutions (Conseil national de la jeunesse, Conseil national de la chefferie traditionnelle) verront le jour. 

Président à vie ?

Mais le cœur de la réforme, qui a semé la discorde, a trait à la prolongation, jusqu’en décembre 2012, de l’actuel mandat de Tandja, qui devait expirer le 22 décembre prochain. Et au droit qui lui est désormais reconnu de se présenter indéfiniment à sa propre succession.

Après avoir débouché sur l’adoption d’une Constitution taillée sur mesure, le référendum du 4 août ne devrait pas tarder à voir ses résultats proclamés par une Cour constitutionnelle mise sur pied le 2 juillet – le lendemain de la dissolution de la précédente – et totalement dévouée au chef de l’État. Et pour cause : trois de ses membres ont été désignés par Tandja lui-même, trois autres par son ministre de la Justice et un dernier a été « proposé par le recteur de l’université Abdou-Moumouni de Niamey, après avis du président de la République ».

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La mise au pas de la justice, dont la « désobéissance » avait mis un grain de sable dans la machine de la révision constitutionnelle, ne s’arrête pas là. Après la réunion du Conseil supérieur de la magistrature du 3 juillet, le président a signé un « décret portant nomination et affectation des magistrats » qui a totalement modifié la carte judiciaire et expédié les éléments récalcitrants dans les contrées les plus reculées du pays.

Pour parachever le tout, Mamadou Tandja, qui reçoit au moins une fois par jour le général de division Moumouni Boureima, chef d’état-major général, veille de très près à la tranquillité des troupes. Et s’emploie à séduire les jeunes officiers, moins dociles que la haute hiérarchie. Y parviendra-t-il ?

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Le chef de l’État tient à avoir tous les atouts en main avant de débloquer la vie institutionnelle du pays, qu’il a suspendue le 26 juin dernier en s’arrogeant des pouvoirs exceptionnels. Les élections législatives anticipées, destinées à remplacer les députés victimes de la dissolution, ont été fixées au 20 août prochain par un décret signé le 19 juin. À moins qu’elles soient reportées… Tandja mise discrètement sur un boycott de ce scrutin par l’opposition pour s’assurer une confortable majorité parlementaire. Toujours animés de l’intransigeance avec laquelle ils ont combattu la révision de la Constitution, ses adversaires risquent de tomber dans le piège. 

Bientôt du pétrole…

Sur le front international, Mamadou Tandja alterne déclarations publiques sans concession et tractations secrètes destinées à rassurer. Pour tranquilliser le très imposant voisin nigérian, il multiplie les gages à l’intention de son homologue Umaru Yar’Adua, à qui il a écrit et téléphoné au lendemain des émeutes qui ont ensanglanté le Nigeria, le 27 juillet. Pour contrer les sanctions de l’Union européenne, il cherche à consolider ses liens avec d’autres partenaires, comme la Banque africaine de développement (BAD). Le président de cette institution, Donald Kaberuka, qui a reçu un émissaire nigérien, a écrit à Tandja « pour souligner l’excellence des relations de la République du Niger avec le Groupe de la Banque africaine de développement ».

Vis-à-vis de la France, qui maintient sa condamnation, l’homme fort de Niamey a décidé de jouer la montre. Mais aussi de « faire jouer la concurrence ». Cet ancien stratège militaire a reçu avec tous les honneurs, le 30 juillet, Wang Xing Yi, vice-président de la CNPC, l’entreprise chinoise chargée de construire la raffinerie de pétrole de Zinder. Il sait que l’or noir, dont son pays devrait devenir producteur à partir de 2011, fera oublier les libertés qu’il a prises avec les lois pour se maintenir au pouvoir. 

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