Emmanuel Pitron : « En Algérie, la RATP est présente sur le long terme »

Le groupe français, qui a inauguré le 1er mai le tramway d’Oran, accorde un intérêt soutenu à l’Afrique en général, au Maghreb en particulier. Objectif : trouver sur le continent une croissance rentable.

Emmanuel Pitron, secrétaire général du groupe RATP.

Emmanuel Pitron, secrétaire général du groupe RATP.

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Publié le 10 mai 2013 Lecture : 4 minutes.

Entré à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) en 2006, Emmanuel Pitron est chargé de la stratégie et de la gouvernance. Sous la houlette de cet énarque de 37 ans, ancien haut fonctionnaire du ministère français des Affaires étrangères, le groupe s’est positionné avec succès à l’international, en particulier en Afrique du Nord.

Cette interview a été réalisée avant l’inauguration du 1er mai.

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Propos recueillis par Christophe Le Bec

Jeune Afrique : Depuis quand la RATP s’intéresse-t-elle à l’international ?

EMMANUEL PITRON : Notre présence internationale s’est accentuée depuis la constitution du groupe RATP et l’arrivée de seize sociétés issues de la cession à Veolia de notre participation au sein de Transdev, puis regroupées au sein de RATP Dev en 2010. Cette filiale se positionne aujourd’hui sur des appels d’offres pour les contrats d’exploitation de transports urbains dans les pays et sur les projets que nous jugeons solvables.

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Que représente l’Afrique pour RATP Dev ?

Le continent a pris de l’importance avec les mises en exploitation du Gautrain, qui relie Pretoria à Johannesburg depuis 2010, du métro d’Alger fin 2011 et du tramway de Casablanca en décembre 2012. Nous nous intéressons particulièrement à l’Algérie et au Maroc, tout en regardant les opportunités, dans le reste du continent, sur de grands projets en consortium. Enfin, rappelons que le groupe a vendu 800 bus d’occasion en cinq ans, principalement en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Maroc.

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Quels sont vos objectifs de croissance ?

Le groupe a réalisé 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2012, dont 15 % hors Île-de-France, principalement par notre filiale RATP Dev, qui dispose de 700 millions d’euros de revenus et de 11 000 salariés. Pour 2020, le groupe vise 7 milliards d’euros et 1 milliard pour RATP Dev dès 2013. RATP Dev devra s’autofinancer : à l’export, nous cherchons une croissance rentable car dans le même temps nous devons financer la modernisation de notre réseau en Île-de-France, soit 1,5 milliard d’euros d’investissements en cinq ans.

Le tramway de Constantine sera inauguré cet été. 

Le 1er mai, vous inaugurez le tramway d’Oran. Et Alger a parlé de quatorze nouvelles lignes de tramway dans le pays… L’Algérie est-elle un eldorado pour la RATP ?

Participer à la renaissance du tramway d’Oran – qui a déjà circulé jusque dans les années 1950 – est la reconnaissance de notre travail à Alger sur le métro et le tramway. Les Algériens ont confiance dans notre expertise des transports dans des zones urbaines à haute densité. Nous sommes présents dans le pays sur le long terme, c’est une décision stratégique. Après la mise en exploitation du tramway d’Oran, nous participerons pendant l’été 2013 à l’inauguration de celui de Constantine et lancerons l’extension de celui d’Alger en 2014.

Envisagez-vous des sociétés d’exploitation rentables en Afrique subsaharienne ?

En Afrique du Nord, il y a une véritable prise de conscience pour lancer et financer des politiques urbaines intégrées liant le transport à l’emploi et au logement. Nous restons toutefois à l’écoute des besoins au sud du Sahara, notamment pour des contrats d’assistance technique via la filiale RATP-i, que je préside. Elle ne dispose pas de personnel propre et répond à des demandes ponctuelles en envoyant des experts du groupe RATP. Nous avons par exemple participé à l’amélioration du réseau des bus de Conakry pendant un an. Et nous devrions démarrer une mission de quatre mois auprès de la société publique congolaise Transco pour l’accompagner dans la gestion des bus de Kinshasa. Au sud du Sahara, où 60 % de la population vivra en ville d’ici à 2050, la mise en place de réseaux de bus avec des voies réservées et un haut niveau de service est intéressante. C’est une étape intermédiaire avant le tramway ou le train, qui nécessitent plus d’investissements.

Y a-t-il un partenariat avec Alstom, le constructeur des tramways de Casablanca, Alger et Oran ?

Il n’y a pas de partenariat exclusif, mais l’exploitation par la RATP du tramway Citadis sur les boulevards des Maréchaux, à Paris, est une vitrine pour Alstom. Avec cette référence, ses clients pensent à nous quand ils veulent ce type de tramway. Nous avons la même relation avec d’autres constructeurs tels que Siemens sur le métro d’Alger ou Bombardier sur le Gautrain.

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Au regard des atermoiements sur le contrat du tramway d’Alger, accordé à Keolis avant d’être attribué à RATP Dev, n’y a-t-il pas un manque de concertation entre les différents groupes français ?

C’est vrai que Keolis, filiale de la SNCF, Transdev, filiale de Veolia et de la CDC, et RATP Dev se sont parfois retrouvés sur les mêmes appels d’offres. Nous sommes tous attirés par le Maghreb, une zone encore épargnée par la concurrence anglo-saxonne. Je crois que chaque groupe doit promouvoir ses points d’excellence : la SNCF sur le TGV et le ferroviaire, la RATP pour les métros. Et la coopération entre la SNCF et la RATP au sein de Systra, notre coentreprise d’ingénierie, est aujourd’hui exemplaire sur les grands projets comme le TGV marocain ou le métro d’Alger.

 

 

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