Courrier des lecteurs

Publié le 11 août 2009 Lecture : 5 minutes.

État d’urgence au Gabon

– Comment comprendre que, à quelques jours seulement d’une élection aussi capitale que la présidentielle du 30 août prochain, le peuple gabonais ne soit toujours pas mis au parfum des programmes des candidats ? L’absence d’appareil politique pour les uns et le fait que les projets politiques de presque tous les candidats restent introuvables constituent des indicateurs montrant que ce scrutin va inéluctablement reposer sur l’argument identitaire. Ce réflexe est une régression de notre démocratie. La grande question à laquelle j’invite les différents candidats à répondre est celle de savoir si, en faisant abstraction des ambitions des uns et des autres, le besoin de consolider notre démocratie et de penser enfin à mettre un terme au monolithisme des « élites » n’est pas la vraie urgence du moment. Pour ma part, j’ai la faiblesse de croire que oui.

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Sylvain Nzamba, doctorant en littérature francophone et comparée, Bordeaux, France

RD Congo : la peine de mort s’éternise

– J’ai lu, avec retard certes, mais avec intérêt le courrier adressé à J.A. (n° 2520-2521) par M. Dominique Ndudi Ndudi de Poitiers (France) à propos de son inquiétude sur le sort de beaucoup de prisonniers condamnés à mort en RD Congo. Je partage cette inquiétude dans la mesure où l’enquête, dans cinq prisons importantes de la RD Congo (dont celles de Kinshasa et de Buluo), que nous avons menée en 2005 avec l’ONG française Ensemble contre la peine de mort (ECPM), a révélé que les condamnés vivaient dans des conditions épouvantables. Pire, la majorité d’entre eux ont été condamnés par l’ancienne Cour d’ordre militaire. Mais alors que cette juridiction d’exception a été supprimée par une loi de 2002 qui l’a qualifiée d’instance au service de la police politique, l’article 378 de cette même loi exclut que les victimes de cette cour puissent introduire un quelconque recours devant une nouvelle juridiction.

D’autre part, le professeur Evariste Boshab, président de l’Assemblée nationale, répondant au député Ilunga Kambala Musasa qui lui rappelait l’existence de la proposition de loi Mbata et Nyabirungu (destinée à abolir la peine de mort en RD Congo), non seulement a refusé de reprendre cette proposition sur le calendrier parlementaire de la session de mars, mais a aussi souligné que « la peine de mort avait encore des beaux jours devant elle en RDC ». C’est là un grave recul pour tous les abolitionnistes congolais ainsi que pour ceux des pays des Grands Lacs qui ont vu dans les articles 16 et 61 de la Constitution actuelle des dispositions claires ayant aboli la peine de mort en RD Congo.

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Liévin Ngondji Ongombe, président de Culture pour la paix et la justice (CPL), coordonnateur des Coalitions congolaise et des Grands Lacs contre la peine de mort, Kinshasa, RD Congo

Farafina, conte africain

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– Une grande terre où autrefois il y avait tout.

Une grande plaine désertée par les hommes qui ont suivi la forêt désespérée.

Une grande dame toute seule.

Elle m’a appelé de la main.

Je me suis approché.

Elle m’a raconté.

Trahie, battue, violée, exilée, appauvrie, elle a porté le lourd fardeau de l’histoire de son époque.

Elle a subi les mensonges historiques qui ont brûlé ses cases, incendié sa maison, tué ses enfants et dispersé les autres.

On lui a pris son or, on a coupé ses verdures, on a crevé ses tambours, on a brûlé ses écoles, on a dénigré ses médecines et conspué ses versets.

Elle n’a plus de larmes.

Je la regardai. Je regardai sa beauté naturelle enfouie derrière le voile de poussière qui lui maquillait le visage.

Elle me dit soudain : « J’ai pansé mes blessures ! Je suis désormais debout ! Je t’attendais ! Regarde ! »

Et elle se leva du tronc sur lequel elle était assise, dévoilant un grand trou profond d’où brillaient d’innombrables pierres précieuses rescapées du grand vol.

« Chut !, me fit-elle. Je suis Farafina, la reine Africa ! Va me chercher les autres ! Je reconstruis la maison. Cette fois-ci, personne ne trahira pour nous affaiblir ! Nous ouvrons de nouveaux champs et, debout, ensemble, nous vaincrons, ou nous mourrons ensemble ! Il est temps de retrouver le grand Saraba* ! »

Et je partis à tue-tête crier la grande nouvelle : « Elle est là ! Elle nous emmène à Saraba ! »

* Saraba est l’eldorado chanté durant les années de souffrance par les Africains du Sénégal comme un retour espéré à un âge d’or mythique.

Babacar Mbaye Ndaak, conteur et auteur, Dakar, Sénégal

Dadis, nouveau Sankara ?

– J’ai lu avec intérêt (J.A. n° 2532) le discours de Barack Obama à Accra (comme celui d’il y a quelques semaines au Caire) et l’interview accordée au capitaine Moussa Dadis Camara. Le président Obama est un homme de son temps, dont je partage les convictions et les vérités, qui assume sans complexe son passé et que je porte définitivement dans mon cœur. Le capitaine Moussa Dadis Camara quant à lui me rappelle un autre capitaine, Thomas Sankara, qui échangeait volontiers. Nul doute que le président du CNDD [Conseil national pour la démocratie et le développement, NDLR] est un patriote sincère et honnête, qui veut à la fois assainir les finances publiques, lutter contre la corruption et les narcotrafiquants et respecter un calendrier électoral étriqué. Bien que doté d’une réelle volonté politique, le capitaine Dadis ne peut cependant pas tout faire tout de suite, mais il mérite la compréhension, le concours et le soutien de la classe politique, du peuple guinéen et de la communauté internationale.

Yadji Sangaré, Montreuil, France

Non aux corbeaux ambulants- C’est avec grand intérêt que j’ai lu les commentaires parus dans J.A. sur le port de la burqa en Europe. Vivant depuis onze ans au Sénégal, où près de 95 % de la population est musulmane et très croyante, j’y côtoie un islam ouvert et tolérant. La burqa est presque inexistante dans le pays et le voile rare, ce qui n’empêche pas les femmes de vivre en parfaite communion avec leur religion. Cela pour dire que ni la burqa ni même le foulard ne sont imposés par l’islam. En ce qui concerne le port de la burqa en Europe, je suis tout à fait en phase avec ces quelques maires de villes belges qui l’interdisent sur la base d’une loi générale qui interdit de se masquer le visage en dehors de la période de carnaval. En effet, n’importe qui peut se cacher sous cette burqa et ainsi échapper à la vigilance des policiers.

À ceux qui, au nom de l’islam – ce qui est un faux prétexte – revendiquent le droit de porter la burqa dans les pays européens et qui, dans la foulée, s’indignent du fait qu’en Europe on tolère la minijupe, je réponds qu’on ne doit pas imposer ses choix aux pays d’accueil. Personnellement, je ne m’établirai jamais dans un pays qui m’imposerait le port de la burqa. En Europe, personne n’oblige qui que ce soit à porter une minijupe ou un short. Personne n’empêche qui que ce soit de se couvrir d’un chapeau ou d’un foulard de tête pour ses sorties publiques (bien que l’on puisse discuter du bien-fondé de l’interdiction du foulard dans les écoles…). Mais, de grâce, que l’on ne nous impose pas la vue de corbeaux ambulants dans nos rues. C’est aussi notre liberté de vouloir voir déambuler dans nos villes des citoyens à visage découvert.

Nadia Van Hamme, Dakar, Sénégal

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