Présidentielle gabonaise : « Pourquoi je ne voterai pas » 


Politologue et essayiste, Bordeaux, France

Publié le 3 août 2009 Lecture : 3 minutes.

Depuis que j’ai l’âge de voter, j’ai participé à chaque élection gabonaise, remplissant mon devoir de citoyen avec le sentiment de l’utilité, même réduite, de mon suffrage. Aujourd’hui, je suis convaincu du contraire. C’est pourquoi, en harmonie avec ma conscience et ma raison, pour la première fois de ma vie, j’ai pris la ferme décision de ne pas voter à l’élection présidentielle, prévue pour le 30 août 2009. Les raisons d’un tel choix sont simples. Au fil du temps, le Gabon est devenu une démocratie matrimoniale dans laquelle des oligarchies rentières se disputent le pouvoir. Aucun candidat déclaré n’a encore présenté un programme clairement hiérarchisé et crédible. Ce simple fait prouve que, pour l’homme politique gabonais, la quête du pouvoir relègue les aspirations légitimes du peuple au second plan.

Beaucoup de ceux qui ont gouverné le Gabon en attaquant sans états d’âme les fondements de la démocratie sont aujourd’hui candidats à la magistrature suprême. Ainsi, pour être sauvé, le projet républicain mérite d’être confié à une nouvelle élite qui soit déconnectée des schémas de prévarication curiale. Celle-ci, bien que minoritaire et souvent bâillonnée par les gardiens de la pensée unique, pourrait recevoir mon vote si les conditions – mêmes minimes – de son éventuel succès étaient réunies. Or c’est loin d’être le cas.

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Pour moi, faire de la politique, c’est d’abord donner du sens à l’espérance, c’est-à-dire vouloir offrir le bien-être social au plus grand nombre. Je refuse de voter parce que je considère qu’une candidature à l’élection présidentielle doit se résumer à trois éléments : une carrure, une ambition et des moyens. Elle ne doit en aucun cas être tributaire de dynamiques ethniques et de logiques de succession familiale, ces maux qui empoisonnent la vitalité démocratique du Gabon. Pourquoi donnerais-je ma caution intellectuelle et morale à la régression démocratique en cours, à laquelle contribuent activement certaines « élites » plus motivées par les besoins du ventre que par le souci de l’intérêt général ? L’espoir d’une véritable alternance politique – un changement d’hommes qui s’accompagne d’un changement « dans » l’homme – m’a quitté.

Comme à son habitude, le parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) a choisi de désactiver la légitimité électorale de son candidat au profit d’une légitimité de type bureaucratique et technocratique. C’est son choix, et je le respecte d’autant plus que je ne suis pas membre de cette formation. Mais, en tant que citoyen attaché au suffrage universel comme moyen légitime du choix des dirigeants des partis politiques, je le dénonce.

Quant à l’opposition gabonaise, en manque, comme toujours, de stratégie unitaire en raison de sa panne d’idées et d’un réel manque de travail politique, elle n’est désormais rien d’autre qu’une pâlichonne organisation, introuvable et sans poids, qui ne fait que sauver les vagues faux-semblants démocratiques du régime. Avec le retour en son sein des transhumants et nomades politiques de la majorité présidentielle, dont les représentants les plus influents par le passé ont été Paul Mba Abessole et Pierre Claver Maganga Moussavou, il lui sera vraisemblablement demandé de voter dans la ligne du PDG. Faute de quoi, de vrais-faux opposants se chargeront de brouiller le jeu des élections, comme ils en ont pris l’habitude depuis 1990.

Cela étant, le principe du vote « anti-Ali Bongo » est, à mon avis, assez régressif et révélateur d’une crise des valeurs morales. Selon moi, le « tout sauf Ali Bongo » (TSAB) émane d’un anti-­bongoïsme obsessionnel qui renvoie au degré zéro de la politique. Le véritable défi à relever tient plutôt à la recomposition quasi complète de notre appareil démocratique avant qu’il ne soit vraiment trop tard. Le système Bongo a vécu. N’en reste plus qu’une parodie déplaisante de l’expression populaire qu’il prétendait incarner à l’ère du parti unique et du « Renouveau démocratique ». Il y a urgence à refonder la démocratie gabonaise. D’autant que, face à l’impasse politique dans laquelle nous sommes aujourd’hui fourvoyés, et si l’on en juge par la tournure de plus en plus dramatique de la conjoncture économique, on peut légitimement craindre que les choses se dénouent bien loin des isoloirs.

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