Sylvie Chalaye

Professeur à l’Institut d’études théâtrales de Paris III, spécialiste de dramaturgies afro-caribéennes.

Publié le 5 août 2009 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Quelles sont les grandes tendances du théâtre africain contemporain ?

Sylvie Chalaye : La principale tendance du théâtre africain des années 2000 est de ne plus être identifiable comme étant africain. Ni tam-tams, ni palmiers, ni villages, ni griots. Les auteurs d’aujourd’hui s’attachent à brouiller les marques d’une identité africaine repérable afin de mieux s’inscrire dans la pensée du monde. C’est un théâtre hybride qui se situe au carrefour de différentes influences. Je compare volontiers le nouveau théâtre africain au jazz, qui s’enracine profondément dans l’histoire de l’odyssée africaine, tout en étant véritablement universel.

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De quand date l’émergence de ce nouveau théâtre africain ?

La rupture avec le théâtre africain classique a lieu à la fin des années 1980, avec l’entrée en scène de jeunes écrivains qui proposent une conception dramaturgique dégagée de toute revendication identitaire et géographique. C’est le Togolais Kossi Efoui qui a ouvert la voie avec sa pièce Le Carrefour. Ses protagonistes n’ont pas de noms africains. Le lieu est également indéterminé. L’action se déroule à un carrefour. Kossi Efoui a réinventé l’économie dramatique et poétique du théâtre africain, mettant en crise le regard que l’on porte sur l’Afrique.

S’agit-il toujours de théâtre africain ?

Oui et non. Non, car les auteurs du nouveau théâtre africain comme Koulsy Lamko (tchadien), Koffi Kwahulé (ivoirien), Caya Makhélé et Dieudonné Niangouna (congolais), Marcel Zang et Kouam Tawa (camerounais), José Pliya (béninois), Kangni Alem et Gustave Akakpo (togolais), se définissent comme des identités singulières. Artistes d’abord, Africains par hasard. Leur africanité se traduit par un lien profond avec l’oralité qui imprègne leur œuvre, la rythmique, le phrasé, la langue. Elle est dans la façon de penser le monde, dans la manière de respirer avec l’autre. L’identité africaine n’est plus là où on l’attend, elle donne rendez-vous ailleurs. Par exemple, au-dessus du vide identitaire laissé par l’histoire tragique de l’Afrique. Les auteurs africains savent que ce vide ne peut être comblé. Il leur faut mettre en œuvre d’autres stratégies, celle du détour, du rêve pour aller de l’autre côté. Ils dansent au-dessus du vide pour s’élancer vers l’avenir.

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