Kenya Airways coiffe sur le fil Ethiopian Airlines

Les deux compagnies se livrent une lutte acharnée, notamment dans le ciel d’Afrique centrale et de l’Ouest. Kenya Airways vient de dépasser pour la première fois la plus ancienne compagnie africaine.

JAD20220711-Tribune-RDC-Gécamines-StéphaneBallong Stéphane Ballong
© Vincent Fournier pour JA

Publié le 5 août 2009 Lecture : 5 minutes.

Aéroport Jomo-Kenyatta, à Nairobi, début juin. Titus Naikuni, le directeur général de Kenya Airways, présente à la presse les structures rénovées et agrandies de la plaque tournante de sa compagnie. Saisissant l’occasion, il expose aux journalistes ses projets pour les années à venir : « J’envisage, leur dit-il, de pouvoir décoller à partir de chaque capitale africaine… »

Cette déclaration, en réalité, n’a fait qu’officialiser des ambitions que tous les observateurs du ciel africain pressentaient déjà. Depuis cinq ans, Kenya Airways s’est lancée dans l’expansion rapide de son réseau sur le continent. Rien qu’en 2009, elle a ouvert, à partir de Nairobi, deux nouvelles dessertes : Brazzaville (fin mars) et Libreville (fin mai). Deux autres destinations, Gaborone (Botswana) et Kisangani (RDC) devraient venir allonger la liste avant la fin de l’année. L’ouverture, cependant, d’une nouvelle liaison Nairobi-Malabo (Guinée équatoriale), prévue pour début juillet, a finalement été repoussée à une date ultérieure. Les raisons ? « Des soucis commerciaux », indique, sans autre précision, Victoria Kaigai, la porte-parole de Kenya Airways. Quelques semaines plus tôt, Ethiopian Airlines, sa concurrente, a inauguré au départ d’Addis-Abeba, une ligne vers la même destination. Y aurait-il un lien entre les deux événements ? Probablement. Mais les deux compagnies s’en défendent.

la suite après cette publicité

Plus que jamais, celles-ci se livrent une bataille féroce pour conquérir le ciel africain. Une lutte qui se concentre notamment sur la maîtrise de l’espace aérien d’Afrique centrale et de l’Ouest, laissé à l’abandon par les compagnies locales en déliquescence. Et où le trafic de passagers devrait augmenter de 10 % par an jusqu’en 2015. Face à l’agressivité de sa jeune rivale, Ethiopian Airlines, créée en 1946, ne désarme pas, au contraire. Après Malabo en juin, la compagnie nationale éthiopienne prévoit d’ouvrir une liaison entre Addis-Abeba et Mombasa (Kenya) avant la fin de cette année. À l’horizon 2015, elle compte desservir quarante-cinq pays africains contre trente-quatre actuellement. Mais avec ses trente destinations, et quatre nouvelles ouvertures de ligne à la fin 2009, sa rivale kényane pourrait dès l’année prochaine, en maintenant ce rythme, devancer son aînée en nombre de destinations desservies sur le continent.

Un outsider plus performant

Ainsi, Kenya Airways, de trente et un ans la cadette de la plus ancienne compagnie nationale africaine, se hisse progressivement au niveau de cette dernière, et tend même à la dépasser. Et déjà, l’outsider kényan, avec une flotte moins importante, transporte davantage de voyageurs que sa concurrente. En 2007, en effet, quelque 2,6 millions de personnes ont volé à bord de ses appareils contre 2,5 millions pour Ethiopian Airlines. Et ce n’est pas tout. En 2009 (exercice clos fin mars), le transporteur kényan a réalisé un chiffre d’affaires qui dépasse le milliard de dollars contre 978 millions pour sa rivale (exercice clos mi-2008).

Pour y arriver, la compagnie kényane s’est inspirée de la stratégie de sa voisine et aînée du nord. Comme cette dernière à Addis-Abeba, elle a développé un hub à l’aéroport de Nairobi, sa base. L’objectif étant de faire de la capitale kényane le point de convergence des vols du reste du monde vers le continent, pour ensuite permettre à Kenya Airways de transporter les voyageurs vers leur destination finale. « Nous jouissons d’une position géographique très avantageuse qui nous permet de pouvoir desservir très rapidement toutes les autres régions d’Afrique », prétend Victoria Kaigai, porte-parole de Kenya Airways.

la suite après cette publicité

Mais vouloir créer un hub est une chose, pouvoir assurer son fonctionnement en est une autre. Par chance pour elle, la compagnie kényane est parvenue, au moment de lancer le développement de son réseau international, à attirer dans son capital, en 1996, la compagnie néerlandaise KLM, qui a fusionné depuis avec Air France pour devenir le premier transporteur mondial dans l’aérien. « Ce partenariat lui a permis de profiter du trafic drainé par KLM vers l’aéroport de Nairobi », indique Christian Folly-Kossi, le secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa). Depuis, la compagnie kényane, devenue, en septembre 2007, membre de l’Alliance Sky Team qui réunit douze compagnies aériennes, affiche d’excellents résultats. Certes l’exercice clos à la fin mars 2009 s’est soldé par une perte de 51 millions de dollars, conséquence des couvertures prises contre la hausse des prix du kérosène. Mais, cela faisait plusieurs années que la compagnie n’avait pas connu cette situation.

 

la suite après cette publicité

Ethiopian moins chère

Toutefois, si Kenya Airways veut desservir toutes les grandes villes du continent à partir de Nairobi, sa concurrente, elle, s’appuiera sur plusieurs plaques tournantes avec « la création d’un hub en Afrique de l’Ouest et éventuellement d’un autre en Afrique australe », explique Laurent Quemeneur, le responsable produit d’Ethiopian Airlines France. Ainsi, à Lomé, le transporteur éthiopien compte rassembler, grâce à la compagnie régionale en gestation Asky, dont il détient 25 % du capital, les voyageurs d’Afrique de l’Ouest pour ensuite les acheminer à bord de ses long-courriers vers des destinations ­intercontinentales.

La compétition qui oppose les deux fleurons du ciel africain s’étend à tous les domaines, y compris sur le terrain commercial et marketing. De manière générale, la compagnie éthiopienne se révèle moins chère que sa rivale. « Nous avons davantage la possibilité de proposer des tarifs compétitifs sur Ethiopian Airlines, qui propose des vols avec escales multiples, à l’inverse de Kenya Airways, qui joue surtout la carte des vols directs pour faire la différence », tempère un responsable d’agence de voyages basé à Paris. Mais les deux concurrents sont au coude à coude et s’arrachent les voyageurs, à coups de promotions. Dans sa manche, la compagnie éthiopienne dispose d’un atout de taille : l’exclusivité du transport des fonctionnaires internationaux, en raison de la présence d’organisations internationales à Addis-Abeba.

L’ambition des deux compagnies leur impose, en plus de cette guerre sur les tarifs, de disposer d’une flotte importante et fiable. Sur ce terrain aussi, la concurrence est rude, et pas question pour l’une ou l’autre d’être à la traîne. Les deux transporteurs ont ainsi été parmi les premières en Afrique à commander des « 787 Dreamliner », le dernier cri de l’avionneur américain Boeing, concurrent du géant des airs, l’Airbus A380.

À ce jeu, la compagnie d’Addis-Abeba vient de marquer des points. Kenya Airways a réceptionné deux B737-800 et passé commande de douze « 787 Dreamliner », dont six à confirmer d’ici 2012. Mais, de son côté, Ethiopian Airlines a officialisé le 29 juillet la commande, pour 4,2 milliards de dollars, de dix-sept nouveaux appareils : cinq B777-200 et douze A350-900, ses premiers Airbus. Confrontée à la concurrence accrue de sa rivale sur le continent, Ethiopian Airlines se tourne de plus en plus vers des destinations plus lointaines, en Asie et au Moyen-Orient, des régions dont les échanges commerciaux avec l’Afrique ont fortement progressé ces dernières années. Une donnée qui n’a pas échappé à Kenya Airways. Dans les prochaines années, la bataille entre les deux compagnies pourrait donc se déplacer vers l’Asie et le Moyen-Orient. 

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires