L’effet Obama
Lentement mais sûrement, grâce à la détermination et à l’habileté du président américain, se dessine la possibilité d’une paix globale dans la région.
Il ne fait plus de doute que Barack Obama est résolument déterminé à apporter la paix au Moyen-Orient. Le président américain agit avec finesse. Il cherche à persuader plutôt qu’à contraindre. Il préfère la carotte au bâton. Ce serait une folie de la part des Arabes comme des Israéliens de chercher à combattre son dessein.
Dans toute la région, le message commence à passer. On assiste aux prémices de ce que l’on pourrait appeler l’« effet Obama ».
Les objectifs du président américain sont clairs. Il est absolument convaincu que les intérêts nationaux des États-Unis exigent la fin des conflits d’Israël avec ses voisins, la fin, aussi, d’une querelle longue de trente ans entre son pays et l’Iran. Il veut intégrer la République islamique dans le cercle des nations amies et ramener Israël à la légalité internationale en mettant un terme à l’occupation du territoire palestinien.
Israël et l’Iran sont les deux volets indissociables de sa politique au Moyen-Orient.
Bien qu’Israël soit un proche allié des États-Unis et l’Iran leur adversaire, on relève un parallélisme frappant dans l’approche d’Obama à l’égard de l’un et de l’autre. On pourrait ainsi le résumer : « Il n’est pas dans notre intention d’interférer dans vos affaires intérieures ou de vous dicter votre conduite : vous êtes des pays souverains et vous devez prendre vous-mêmes vos décisions. Mais nous croyons qu’il est dans votre intérêt d’écouter nos conseils. »
Pour les deux pays, les choses sont claires : s’ils ne jouent pas le jeu, ils doivent s’attendre à des sanctions. Elles seront énoncées énergiquement dans le cas de l’Iran et de façon plus discrète dans celui d’Israël. Mais la signification sera la même. Si les Israéliens et les Iraniens veulent avoir de bonnes relations avec Obama, ils ne doivent pas faire obstacle à ses objectifs.
Selon des familiers de la Maison Blanche, la guerre d’Irak a marqué un tournant dans la pensée du président américain. Il a été scandalisé par la façon dont les « néocons » pro-Israéliens de Washington ont poussé le pays à la guerre. Une guerre à laquelle il s’est opposé lui-même et qui s’est révélée immensément coûteuse pour les États-Unis, à la fois en hommes, en argent et en réputation. Les États-Unis, a-t-il alors jugé, ont perdu le contrôle de leur politique étrangère au profit de groupes d’intérêts particuliers. Il ne veut pas qu’une telle chose se reproduise. D’où sa résolution à mettre un terme à la désastreuse aventure irakienne, à résister aux pressions israéliennes en faveur d’une offensive contre l’Iran, ou à empêcher Israël de passer lui-même à l’attaque. Le président américain ne se contentera pas d’une paix partielle au Moyen-Orient. Il veut une paix globale, c’est-à-dire une paix entre Israël et les Palestiniens, entre Israël et la Syrie, entre Israël et le Liban, ainsi que la normalisation des relations entre Israël et la totalité du monde arabe. Cet objectif ambitieux est devenu sa priorité personnelle.
« Choix difficiles »
Voilà le message que l’envoyé spécial de la Maison Blanche George Mitchell, le conseiller à la Sécurité nationale James Jones et le secrétaire à la Défense Robert Gates sont venus délivrer dans la région la dernière semaine de juillet. Le général Jones a donné aux Israéliens l’assurance que l’Amérique continuera à garantir leur sécurité. Le secrétaire à la Défense, lui, a exhorté les Iraniens à saisir la main que leur tend Obama plutôt que de s’exposer à un durcissement des sanctions à leur égard. Mitchell, pour sa part, a dit au Premier ministre israélien que seule la paix peut garantir la sécurité à long terme de l’État hébreu. Ce qui implique de faire des « choix difficiles », tout particulièrement en ce qui concerne les colonies juives en terre palestinienne.
L’« effet Obama » est déjà visible. On peut le voir dans la décision récente d’Israël d’alléger les mesures de contrôle à certains des six cents points de contrôle qui étranglent l’économie de la Cisjordanie et rendent impossible la vie des Palestiniens. On peut le voir dans l’intention déclarée des Israéliens de mettre sur pied une unité spéciale chargée de démanteler d’un seul coup une vingtaine de colonies sauvages. On peut le voir aussi, paradoxalement, dans l’acharnement de Netanyahou à défendre le prétendu droit des juifs israéliens à construire comme ils l’entendent dans le Jérusalem-Est arabe – assurément un stratagème pour détourner l’attention des Américains de la question plus large du gel complet des colonies, sur lequel Obama met l’accent.
Autre signe du désir du président américain de rechercher une paix d’ensemble dans la région, l’amélioration rapide des relations entre Washington et Damas, avec notamment la promesse d’une levée des sanctions commerciales qui pèsent sur la Syrie. En même temps, la Turquie, qui s’est imposée comme un acteur majeur sur la scène moyen-orientale, se dit prête à reprendre son rôle d’intermédiaire entre la Syrie et Israël. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a d’ailleurs rencontré le président Bachar al-Assad le 22 juillet à Alep.
Gestes de réconciliation
L’« effet Obama » est encore décelable dans deux articles récents du correspondant israélien du New York Times, Ethan Bronner. Dans le premier, il rapporte que le Hamas a suspendu les tirs de roquettes sur Israël et met désormais l’accent sur la « résistance culturelle » plutôt que sur la « résistance armée ». Dans le second, il manifeste sa surprise en découvrant que les juifs ultraorthodoxes de Modiin Illit, une cité de 45 000 résidents – qui s’enrichit de 60 naissances par semaine – édifiée sur la terre de Cisjordanie occupée en 1967, « ne se considèrent pas comme des colons ou des sionistes et ne se sentent nullement obligés de vivre en Cisjordanie ». En d’autres termes, ils sont prêts à se réinstaller en Israël proprement dit.
Tout en pressant Tel Aviv d’abandonner ses ambitions expansionnistes, Obama pousse les États arabes à faire des gestes de réconciliation en direction d’Israël, de façon à convaincre l’opinion de ce pays des bénéfices de la paix. Inévitablement, l’Égypte et la Jordanie, pays déjà en paix avec l’État hébreu, sont sollicités à cet effet.
Le fait que les Égyptiens ont autorisé des navires de guerre israéliens à traverser le canal de Suez a été interprété par certains comme un avertissement à l’Iran. On pourrait y voir aussi un message aux Israéliens, destiné à leur rappeler que l’hostilité arabe à leur égard n’est pas éternelle, et qu’un apaisement est à portée de main, à condition qu’ils cessent d’opprimer les Palestiniens.
Lentement mais sûrement, grâce à quelques coups habiles du président américain, on voit apparaître la possibilité d’une nouvelle carte du Moyen-Orient. Mais ce ne sont encore que des prémices. Washington n’a apparemment pas encore pris de décision : soit annoncer son plan de paix détaillé, soit continuer à mettre la pression, ferme mais amicale, sur les parties en conflit.
Il est un cas où la paix ne se fera probablement pas sans affrontement. Les colons extrémistes ne se laisseront pas faire. Par crainte d’une guerre civile – ou, tout au moins, d’un éclatement de sa coalition –, Netanyahou hésitera à utiliser la manière forte. Et puis, on peut s’attendre à des provocations des extrémistes de tout bord.
Mais, toutes choses considérées, l’« effet Obama » commence à fonctionner. Et il y a bien longtemps que la région n’avait connu de perspectives aussi prometteuses.
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