La fin du cauchemar ?

Candidat du Parti pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), Malam Bacai Sanha a remporté sans discussion l’élection présidentielle du 26 juillet. Il dispose d’un certain nombre d’atouts pour mettre un terme à la violence politique et à l’instabilité chronique.

cecile sow

Publié le 3 août 2009 Lecture : 4 minutes.

Le 29 juillet, on a fait la fête à Bissau et un peu partout à travers le pays. Peu enthousiastes à l’idée de se rendre aux urnes pour élire leur nouveau président, les Bissau-Guinéens ont néanmoins accueilli avec satisfaction les résultats provisoires du second tour de l’élection présidentielle du 26 juillet. Les sympathisants de Malam Bacai Sanha ont évidemment célébré la victoire de leur candidat. Mais leur joie a gagné une partie de la population, qui, après une série d’assassinats politiques, retrouve l’espoir de voir la Guinée-Bissau sortir enfin du cycle infernal de la violence.

Sanha, 62 ans, le candidat du Parti pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), devance sans difficulté (63 % des suffrages exprimés) son rival Kumba Yala, 56 ans, leader du Parti du renouveau social (PRS). Selon la Commission nationale électorale (CNE), 61 % des 600 000 électeurs inscrits ont participé au vote. Le successeur de João Bernardo « Nino » Vieira, le président assassiné le 2 mars 2009, n’est pas un inconnu.

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Réputé calme et courtois, Sanha a, en 1999 et 2000, assuré l’intérim de « Nino », contraint à l’exil par la guerre civile. À l’issue de la transition, il fut candidat malheureux à la présidentielle face à Kumba Yala, mais accepta sans sourciller sa défaite. Il présida auparavant l’Assemblée nationale (1994-1999), siégea à plusieurs reprises au gouvernement et fut même secrétaire général de l’Union nationale des travailleurs de la Guinée-Bissau (UNTG), la principale centrale syndicale. En 1975 et 1976, il fut administrateur de la région de Biombo, puis, de 1981 à 1986, gouverneur de celle de Gabu. « C’est un homme expérimenté qui s’est toujours bien comporté et que beaucoup considèrent comme un sage », disent de lui Mamadou Iaia Diallo, le candidat du Parti nouvelle démocratie (PND) arrivé quatrième lors du premier tour, et Victor Mandinga, député et fondateur de l’Alliance démocratique (AD). 

QUE VA FAIRE L’ARMÉE ?

Le « sage » est marié, père de trois enfants, musulman pratiquant et modéré. À en croire ses proches, jamais il ne manque la prière du vendredi. Membre du PAIGC depuis 1962, il est apprécié pour son sens du dialogue autant que pour sa participation à la guerre d’indépendance. Il appartient au groupe minoritaire des Beafadas, proche des Malinkés, la troisième ethnie de Guinée-Bissau après les Peuls (26 %) et les Balantes (25 %).

Selon des observateurs, son appartenance à une ethnie minoritaire ne constitue pas un handicap, d’autant que les Malinkés sont les mieux représentés au sein de l’armée après les Balantes, l’ethnie de Kumba Yala. Ce qui n’avait d’ailleurs pas empêché ce dernier d’être, en 2003, renversé par un coup d’État militaire. L’armée, dont la communauté internationale exige la réforme depuis plusieurs années en raison de ses effectifs pléthoriques (8 000 à 12 000 hommes, selon les sources, pour 1,6 million d’habitants), soutiendra-t-elle sans réserve Malam Bacai Sanha ? Difficile à dire, pour l’instant.

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Pour le nouveau président, le danger peut aussi bien venir de son propre parti. Carlos Gomes Junior, élu à la tête du PAIGC en juin 2008, nommé Premier ministre après les législatives du 16 novembre de la même année, puis candidat à l’investiture, aurait, dit-on, peu apprécié de n’être pas désigné. Sanha n’aura sans doute d’autre choix que de le maintenir à la primature, sauf à prendre le risque de se fragiliser.

Quoi qu’il en soit, il hérite d’une situation économique catastrophique et d’un État en déliquescence. La Guinée-Bissau figure au troisième rang des pays les plus pauvres du monde. Son budget dépend à 75 % de l’aide extérieure. Même si le dernier rapport de l’Organisation des Nations unies contre la drogue (ONUDC) relève une diminution du nombre des saisies de stupéfiants et une présence moindre des narcotrafiquants dans le pays, l’armée, l’administration et les institutions judiciaires restent largement infiltrées par les cartels.

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Quelques lueurs d’espoir, quand même, dans ce sombre tableau.

Le président jouit d’une réelle popularité. Il a en outre la confiance des institutions africaines et internationales, sans lesquelles la Guinée-Bissau n’aurait guère de chances de sortir du gouffre. Son parcours et son profil font de lui un dirigeant crédible, élu de surcroît dans des circonstances exceptionnelles.

Il succède en effet à un président abattu par des hommes qui, à ce jour, n’ont pas été inquiétés. Le 5 juin, à la vieille de l’ouverture de la campagne électorale, les assassinats de Baciro Dabo, ministre de l’Administration territoriale et candidat indépendant à la présidentielle, et de l’ancien ministre de la Défense Helder Proença, ont encore alourdi le climat. Le gouvernement de Carlos Gomes Junior et la CNE ont réussi la prouesse d’organiser dans un temps relativement court une élection jugée transparente par la centaine d’observateurs internationaux présents sur place. Il est vrai que le pays disposait déjà d’un fichier électoral mis à jour avant les législatives de la fin de 2008. Et que la communauté internationale s’est mobilisée pour financer le scrutin (coût : 4,9 millions de dollars). 

PAS DE MIRACLE

Malgré l’agressivité dont il a fait preuve pendant la campagne électorale (au cours de laquelle il a traité ses adversaires de divers noms d’oiseaux) et quelques incidents mineurs entre militants, Kumba Yala a, dès l’annonce des résultats, salué la victoire de son concurrent. « En tant que démocrate, notre devoir est de respecter la volonté du peuple », a-t-il déclaré, avant de durcir aussitôt son propos : « Le PAIGC a dirigé le pays pendant trente-cinq ans et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va faire des miracles. »

Des miracles ? Sûrement pas, mais n’est-il pas permis de croire en des jours meilleurs ? Ce ne sont pas les Bissau-Guinéens, qui, le 29 juillet, ont chanté et dansé toute la nuit, qui diront le contraire.

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