Le Nord, un chantier royal
Dix ans qui ont changé le Maroc
Kétama, bourgade rifaine, juin 1994. Sous un soleil de plomb, un gamin tire sur son sebsi rempli de cannabis. « Ici, à part le kif ou le h’rig, y a rien à faire. » Quinze ans plus tard, la rocade transméditerranéenne a désenclavé cette région montagnarde longtemps boudée par Hassan II. Ce Rif frondeur n’est pas le seul à faire l’objet de l’attention royale : l’ensemble du Nord et de l’Oriental, de Larache à Oujda, est concerné par des projets de développement structurants. L’objectif affiché, et déjà partiellement atteint, est de faire du Nord le second poumon économique du royaume, après la mégalopole Casablanca-Rabat, et d’établir un nouvel équilibre du « Maroc utile ». Têtes de pont de ce redéploiement, les ports en eau profonde de Tanger-Med I et de Tanger-Med II sont appelés à devenir des hubs commerciaux pour l’ensemble du Maghreb. Ils sont connectés au réseau autoroutier ainsi qu’au réseau ferroviaire national, en attendant une liaison à grande vitesse sur Casablanca, puis Agadir.
Arrimage européen
Après les milliards de dirhams investis au Sahara occidental pour arrimer la « marocanité » du territoire (voir p. 92), l’heure n’est plus aux calculs géopolitiques de l’ère hassanienne. Il s’agit d’attirer les investisseurs étrangers désireux de s’implanter à moins de 15 kilomètres des côtes européennes. La fiscalité avantageuse des multiples zones franches, au premier rang desquelles celle de Tanger, ajoutée à un exceptionnel réseau de communications, a déjà attiré des poids lourds mondiaux. Et la « révolution verte » n’est pas oubliée : la route de Tanger menant à l’enclave espagnole de Ceuta, en voie de ringardisation économique, est jalonnée d’éoliennes ; des arbres à énergie qui devraient aussi fleurir dans le futur KytoPark d’Oujda, dédié aux énergies renouvelables.
Voulus par Mohammed VI, qui suit personnellement le dossier, et accompagnés par des structures d’aménagement et d’accueil performantes, comme l’Agence du Nord et le Centre régional d’investissement, la réalité et le volontarisme de ces investissements publics – déjà évalués à 2 milliards d’euros – n’ont pas échappé aux populations locales qui, enfin, ont le sentiment d’être remontées dans le train de l’histoire marocaine.
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