Les ambitions d’un roi bâtisseur
Depuis dix ans, le pays est en chantier. Architecte en chef de ces grands travaux, Mohammed VI a engagé une véritable course contre la montre pour rattraper le retard en équipements et dessiner le futur du royaume.
Dix ans qui ont changé le Maroc
Quand on lui demande ce qui a changé au Maroc ces dix dernières années, Najat, cinquantenaire vivant à Rabat, répond, amusée : « Eh bien regardez vous-même, ces routes, ces villes nouvelles, ces tramways, ces stations balnéaires… Il y a encore dix ans, tout cela n’existait pas. » Et ce n’est pas fini. À chaque secteur (tourisme, industrie, logement) correspond un plan ambitieux avec des objectifs chiffrés et des calendriers serrés.
Les seules infrastructures de transport (routes, ports, aéroports) devraient représenter un investissement de 120 milliards de dirhams (DH, 10,7 milliards d’euros) sur la période 2008-2012. Le développement du réseau routier s’est imposé comme une priorité, afin de favoriser les échanges commerciaux et de relier les grands pôles économiques.
Des milliers de kilomètres d’autoroutes
Aujourd’hui bitumé à 60 % et d’une longueur de 60 000 km, le réseau marocain est l’un des plus performants d’Afrique. Le rythme de réalisation des autoroutes n’a cessé d’évoluer, passant de 40 km par an dans les années 1990 à 100 km par an entre 2002 et 2005, pour atteindre aujourd’hui 160 km par an. Le volume des investissements a lui aussi considérablement grossi, de 600 millions de DH par an à la fin des années 1990 à près de 4 milliards aujourd’hui.
Grâce à ces efforts, le Maroc devrait posséder à l’horizon 2010 un réseau autoroutier de près de 1 500 km, notamment après l’ouverture d’un axe Oujda-Fès et la finalisation de la liaison Tanger-Agadir. Cette dernière, longue de 233 km et qui a nécessité un investissement de près de 7 milliards de DH, aura un impact majeur sur le dynamisme économique de la région. À partir de 2020, elle devrait accueillir près de 9 000 véhicules par jour, dont une moitié de poids lourds. Originalité de ce projet, il a attiré des investisseurs chinois. La China National Overseas Engineering (Covec) a construit un des tronçons les plus difficiles, à flanc de montagne, sur 44 km, et c’est également une société chinoise qui est chargée de la construction du plus grand pont ferroviaire du Maroc, dans la région de Tanger.
À cet égard, le développement du réseau ferroviaire est un autre volet important de la stratégie nationale des transports. Entre 2005 et 2009, 15 milliards de DH ont été investis par l’Office national des chemins de fer (ONCF) afin de rénover les gares, de desservir le nouveau port de Tanger-Med et de doubler les voies Meknès-Fès.
Dans la région de l’Oriental, la construction de la ligne Nador-Taourirt a nécessité un investissement de 2,5 milliards de DH et deux ans de travail. Un projet qui « va permettre de désenclaver la région et de dynamiser les échanges économiques, créant ainsi de nombreux emplois », explique un responsable de l’ONCF.
Un projet de train à grande vitesse Tanger-Casablanca, puis Casablanca-Marrakech, est également sur les rails, pour lequel un protocole a été signé avec la France, qui sera chargée de la conception, la construction, l’exploitation et l’entretien des lignes, qui seront mises en service en 2015.
L’un des projets les plus emblématiques de ces dix ans de règne reste la construction du port de Tanger-Med (voir p. 91). Entré en service en juillet 2007 (et en juin 2008 pour Tanger-Med II), il a nécessité un investissement de près de 11 milliards de DH et devrait, d’ici à deux ans, devenir le premier port de transport de marchandises du continent.
Une urbanisation renouvelée
Pour répondre aux besoins urgents de logements dans des villes surpeuplées par l’exode rural et grignotées par l’habitat insalubre, le gouvernement a lancé un vaste programme de villes nouvelles. À l’horizon 2020, quinze villes nouvelles devraient sortir de terre. C’est déjà le cas à Tamansourt, dans les environs de Marrakech, où le chantier a été engagé en 2004, et à Tamesna, à quelques kilomètres de Rabat, dont la première phase a commencé en 2007. Divisée en deux tranches de 1 200 et 700 hectares, Tamansourt comptera 88 000 unités de logements, pour accueillir à terme 450 000 habitants. Le coût total du projet s’élève à 34 milliards de DH, dont environ 4 milliards pour les équipements publics. Sur 840 hectares, Tamesna devrait quant à elle accueillir 250 000 habitants et couvrir ainsi 38 % des besoins en logement de la région de Rabat.
La capitale elle-même (2,8 millions d’habitants), longtemps considérée comme endormie, connaît actuellement un réveil fulgurant et prend des airs de mégalopole. Partout, les grues se déploient et redessinent sa physionomie. Notamment avec l’aménagement de la vallée du Bouregreg, là même où la ville est née : un projet d’urbanisation pharaonique sur 6 000 ha, pour un investissement de 10 milliards de DH. Là où prospéraient des marécages, s’élèvent aujourd’hui deux marinas, de nouveaux quartiers, des restaurants de luxe mais aussi un pont, un tunnel et un tramway pour désengorger les liaisons avec la ville voisine de Salé.
Le royaume joue la carte du tourisme
Le pays, qui espère accueillir 10 millions de touristes en 2010, doit également développer sa capacité hôtelière. Le plan Azur prévoit la réalisation de six stations balnéaires. La première, Saïdia, située sur la Méditerranée, a enfin été inaugurée le 19 juin 2009 après avoir accumulé beaucoup de retard dans sa réalisation. Piloté par le groupe Addoha, c’est le plus gros chantier touristique jamais réalisé au Maroc. Le site, qui s’étend sur 700 hectares, devrait à terme compter neuf hôtels de standing, des résidences touristiques, trois parcours de golf, des marinas… Selon l’Office national du tourisme, la station devrait afficher un taux d’occupation de plus de 60 % dès cet été. La station balnéaire de Mazagan, sur l’Atlantique, accueillera quant à elle ses premiers clients en octobre. Réalisé par le groupe Kerzner, ce projet a nécessité un investissement de 3,1 milliards de DH.
Les premiers mois de l’année 2009 ont été difficiles pour l’ensemble de ces projets. Les pluies torrentielles de cet hiver ont ralenti l’avancement des chantiers et le contexte de crise économique mondiale a installé le doute chez certains investisseurs. Mais, malgré cette conjoncture défavorable, les autorités semblent fermement engagées à poursuivre dans la voie de la modernisation. Ce qui est certain, c’est qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que la physionomie du pays est en train de se modifier très profondément.
Grâce à cette politique volontariste de grands travaux, le Maroc a su attirer de nombreux investisseurs étrangers. En 2007, le royaume a drainé un flux d’investissements directs étrangers (IDE) de l’ordre de 2,57 milliards de dollars, contre 2,4 milliards en 2006 (20,8 milliards de DH, ou 1,8 milliard d’euros), selon le rapport 2008 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Il est ainsi la première destination des IDE au Maghreb et la quatrième sur le continent.
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