A plein régime
Les différents indicateurs reflètent une forte montée en puissance de l’économie marocaine depuis 1999. Il reste cependant beaucoup à faire pour passer du statut de pays à revenu intermédiaire à celui de pays émergent.
Dix ans qui ont changé le Maroc
Dans une société, il est un signe qui ne trompe jamais : celui de la baisse du nombre d’enfants par femme. C’est ce qu’on appelle l’indice synthétique de fécondité. Au Maroc, il est passé de 7, dans les années 1960, à 4, dans les années 1990. Aujourd’hui, il est de 2. Une baisse de moitié en une décennie. Cela signifie que la femme s’est modernisée plus vite que par le passé, qu’elle est mieux éduquée et plus active en dehors de la maison… Faire moins d’enfants implique une amélioration des revenus du foyer par tête et, pour la nation, une croissance démographique beaucoup moins forte : 1,4 % par an entre 2005 et 2010 et 1,1 % entre 2010 et 2015, contre 2,6 % auparavant. Il y aura moins de « bouches à nourrir ». La population marocaine a augmenté de 175 % en cinquante ans, de 1960 à 2009, passant de 11,6 à 31,9 millions d’habitants ; elle n’augmentera que de 40 % au cours des cinquante prochaines années (45 millions d’habitants en 2060).
Cette transition démographique devrait entraîner une vraie révolution économique : modernisation de l’agriculture (moins tributaire de la pluie), de l’industrie (plus de valeur ajoutée) et des technologies (davantage de services)… Les plans d’action et les études prospectives se multiplient depuis l’an 2000, signe d’une effervescence intellectuelle et d’une dynamique nouvelle. Fini le Maroc d’antan, sclérosé sur le Makhzen – l’État – et concentré sur quelques grandes cités (1 % du territoire national produisait alors 40 % de la richesse annuelle de tout le pays).
Modernisation tous azimuts
Si l’on braque ici les projecteurs sur le bilan des dix dernières années, c’est en quelque sorte pour mesurer le pouls de l’athlète avant son élan. La croissance économique, grâce aux investissements dans les industries et les services, est sur une belle trajectoire malgré le ralentissement dû à la crise mondiale. Le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 5,6 % en 2008 par rapport à 2007 (en prix constants), au lieu des 6,8 % espérés. L’année 2009 devrait se terminer sur un taux compris entre 4 % et 5 %, soit une amélioration nette du revenu par habitant de l’ordre de 3 %, qui devrait atteindre 2 700 dollars (le double de ce qu’il était en 1999).
Mais les variations du secteur agricole (+ 21 % en 2006 et – 20 % en 2007) sont encore trop fortes. L’agriculture procure, en année grasse, un revenu de 80 milliards de DH (environ 7 milliards d’euros). En année maigre, ce revenu chute de 15 % à 20 %. C’est le talon d’Achille de l’économie marocaine. Pour le neutraliser, il faudrait, dans les deux décennies qui viennent, améliorer davantage la gestion de l’eau, qui se fera de plus en plus rare (récupération et stockage dans les barrages et les lacs, redistribution dans les canaux d’irrigation).
Le Maroc s’équipe à grande vitesse, comme pour rattraper le temps perdu (voir pp. 88-92). Il investit beaucoup, comme le prouve le triplement des importations entre 1999 et 2009, et, en parallèle, le doublement des exportations. Profitant d’une année faste, les ventes de phosphates et d’engrais dérivés ont franchi la barre des 50 milliards de DH (4,5 milliards d’euros) en 2008, trois fois plus qu’en 2005. Elles rattrapent les autres « mamelles » à devises du pays : les recettes touristiques (55 milliards en 2008, trois fois plus qu’en 1999) et les transferts des 3 millions de Marocains résidant à l’étranger (53 milliards en 2008, contre 19 en 1999). Ces derniers fournissent 40 % des dépôts au système bancaire national. Et ils dépassent de loin le montant des investissements directs étrangers (33 milliards, contre 18,5 en 1999).
Des retards en matière de développement humain
Le moteur de l’économie tourne presque à plein régime. Il crée des emplois et cela se voit sur la courbe du taux de chômage (14 % en 1999, 9,6 % en 2008), même si cette amélioration est relative, car ce fléau touche encore sévèrement les jeunes, notamment les diplômés mal ou pas assez bien formés. Cela se voit aussi sur la courbe descendante de la pauvreté : la population dite « pauvre » (qui vit avec moins de 3 235 dirhams – 288 euros – par an et par tête, seuil fixé pour la vie en zone urbaine) diminue relativement (9 % de la population nationale en 2007, contre 16 % en 1999). Quant à la population « vulnérable », celle dont les ressources financières sont supérieures de 50 % au seuil de pauvreté, elle représente encore 17,5 %, contre 24 % en 1999. Ces niveaux sont importants parce que rien ou presque n’a été fait pendant les années 1960-1990 pour éradiquer la misère des villes et des campagnes. Résultat : l’indice de développement humain, calculé sous l’égide des Nations unies sur la base de trois critères (revenu par habitant, santé et éducation), place le Maroc au 127e rang mondial sur 179, juste devant São Tomé e Príncipe.
Il reste donc beaucoup d’efforts à faire pour passer de pays à « revenu intermédiaire » à pays « émergent », comme l’espèrent les Marocains. « Notre pays peut ainsi légitimement ambitionner, au cours des deux décennies qui viennent, d’atteindre un revenu supérieur à 8 000 dollars constants par habitant. Il peut également, et raisonnablement, aspirer à ramener le taux d’analphabétisme des adultes en deçà de 5 %, et à zéro au sein des entreprises, à amener l’effort de recherche et développement à 5 % du PIB, à quintupler les effectifs d’ingénieurs formés annuellement pour atteindre plus de 40 ingénieurs pour 10 000 habitants en 2025, et à faire en sorte que 40 % des postes de responsabilité reviennent à des femmes », lit-on dans le rapport sur le développement humain à l’horizon 2025, dont le titre est tout un programme : « L’avenir se construit et le meilleur est possible. »
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