Presse: de l’ouverture à la crise de croissance

Libéralisation de la bande FM, explosion des titres indépendants… Le paysage médiatique marocain a basculé dans le pluralisme. Franchit-on aussi allègrement les dernières « lignes rouges » ?

Publié le 27 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

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Dix ans qui ont changé le Maroc

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Tous les journalistes qui ont travaillé sous le règne de Hassan II peuvent le confirmer : écrire sur le Maroc de Mohammed VI est un nouveau métier. Comme presque partout dans le monde, les pressions n’ont pas disparu – chantage à la publicité, conseils « amicaux », poursuites judiciaires –, mais le temps est révolu où le Palais et ses zélées courroies de transmission, au premier rang desquelles le ministère de l’Intérieur, dictaient les éditoriaux, plaçaient les impertinents sur écoute, avalisaient les plans de carrière et arbitraient les conférences de rédaction.

 

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Un nouveau métier

Depuis 1999, la presse marocaine a largement comblé le retard pris sur certains pays d’Afrique subsaharienne en matière de diversité de l’offre et de liberté de ton. Le nombre de quotidiens a explosé, tandis qu’est apparue une presse magazine de qualité. Les sujets abordés le sont désormais sans tabous, les dernières « lignes rouges » tracées sous le gouvernement d’alternance d’Abderrahmane Youssoufi (l’Islam, le Sahara occidental, la personne du roi) sont de plus en plus souvent franchies par une nouvelle génération de journalistes affranchis des réflexes d’autocensure de leurs aînés. La liberté de traitement de l’information est quant à elle quasi totale pour la presse étrangère.

L’audiovisuel a également évolué. Certes la radiotélévision marocaine (RTM) et, dans une moindre mesure, la radio franco-marocaine Médi 1, basée à Tanger, continuent de chroniquer les activités royales avec une énergie qui confine à la complaisance. Cependant, la libéralisation des ondes, sous le contrôle de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle (Haca), a déclenché un appel d’air, tant dans le traitement de l’information que dans la relation avec les auditeurs, qui n’hésitent plus à dire vraiment ce qu’ils pensent à l’antenne.

Même la très austère agence Maghreb arabe presse (MAP), cantonnée jusqu’en 1999 à diffuser les positions officielles du Makhzen (l’État), s’est résolument engagée dans un processus de modernisation technologique et de professionnalisation de ses bureaux au Maroc et à l’étranger. La révolution Internet est passée par là et les autorités ont rapidement saisi l’inutilité d’une censure à l’heure du village planétaire.

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Cette libéralisation, saluée par les partenaires occidentaux, n’empêche pas quelques poussées de fièvre. En 2000, trois publications ont été interdites. Quelques journalistes ont également écopé de peines de prison ferme, une sanction qui devrait bientôt disparaître de l’arsenal législatif à la suite des demandes répétées de la profession, toutefois faiblement relayées par des syndicats encore marqués par une culture passéiste.

Sur le plan judiciaire, l’absence persistante d’une juridiction spécialisée dans les délits de presse se fait désormais ressentir. La jurisprudence marocaine est illisible et, après quelques peines privatives de liberté, souvent corrigées par grâce royale, c’est le compteur des amendes et des dommages et intérêts qui s’emballe. Trois quotidiens arabophones viennent ainsi d’être condamnés en première instance à des sanctions délirantes (110 000 euros chacun) pour avoir offensé le « Guide » de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi. Des jugements dictés par des considérations plus diplomatiques que juridiques.

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