Djerba, paradis en détresse

Consultant, Bruxelles

Publié le 21 juillet 2009 Lecture : 3 minutes.

Réputée pour la douceur de son climat, l’île de Djerba est moins connue pour son patrimoine humain. C’est un morceau de désert avec de maigres ressources et peu d’eau, où les hommes ont dû adapter leurs forces à leur environnement, pour faire de Meninx (l’île « sans eau ») une terre de vergers où triomphent beauté, harmonie sociale et paix civile. Du moins jusqu’à présent. Mais avant d’évoquer les problèmes de Djerba, il faut raconter ce qui fait son authenticité.

Dans cette île du Sud tunisien, le pouvoir ne s’est pas érigé dans une ville centrale. Il est traditionnellement dévolu aux grandes familles. Essentiellement ruraux, les Djerbiens vivaient autrefois dans des groupes d’habitations fortifiées très éloignés les uns des autres. Si les institutions publiques semblaient faiblement représentées, les intérêts collectifs étaient préservés grâce à un maillage communautaire serré et à l’homogénéité des modes de vie et des comportements.

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La rareté de l’eau, la pauvreté des ressources et l’absence d’un pouvoir centralisateur ont déterminé un mode de vie soucieux d’autarcie. Le houch est un manoir fortifié qui constitue l’archétype de l’habitation djerbienne dont on fait l’éloge tout en appelant à sa préservation. Quant au menzel, c’était le domaine de production, avec son système d’irrigation et de récupération des eaux, ses aires de battage et de stockage, ses espaces arboricoles et maraîchers qui rendaient luxuriantes les terres arides de l’île. Les tabias, ces puissantes haies de cactus constituées au cours des générations, longeaient tous les sentiers et donnaient un cachet particulier au paysage végétal de Djerba.

Même s’il ne vit plus sur l’île, le Djerbien lui reste attaché par de forts liens identitaires et communautaires. C’est pourquoi la terre n’est pas à vendre. Si la vente devait s’imposer, le cousin ou le voisin seraient privilégiés, autant pour les relations de proximité chères aux Djerbiens que pour éviter le morcellement des parcelles. Mais toutes ces valeurs sont désormais mises à mal par la spéculation foncière.

L’exode, les modes de vie modernes, le coût des restaurations, le désintérêt pour l’ancien… Tous ces facteurs conjugués aboutissent à la ruine des houchs et des menzels laissés à l’abandon. Il y va pourtant tout à la fois du cachet de l’île et de son identité socio-culturelle. Face aux risques de dégradation irréversible, le soutien d’organisations mondiales de préservation du patrimoine humain s’impose.

Il est paradoxal d’observer combien le « développement » favorise la spéculation au détriment de l’économie productive de biens. Là où les règles ancestrales avaient permis de protéger l’harmonie entre les hommes et la nature, l’appât du gain menace désormais l’équilibre fragile de l’île. Une autorité chargée de préserver l’identité de Djerba doit voir le jour au plus vite. Les infractions aux us et coutumes se multiplient. Des « affairistes » manipulent les lois pour morceler les menzels, piller les houchs, détruire les tabias. Ils construisent souvent à leur guise, sans autorisation, sur des terres arables, selon un style architectural totalement étranger à l’île…

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La tolérance publique envers cette situation s’apparente presque à un « laisser-faire » qui dénature l’île dans sa beauté et dans son identité. Mais Djerba est aussi mise en danger par la disparition de ses dunes et l’érosion de ses côtes, la destruction de ses ressources hydriques et végétales… Quant à la perte de son héritage humain, elle ne fait qu’anticiper la fin de l’harmonie sociale et de la paix civile. Il est urgent de dresser un état des lieux pour sauvegarder ce joyau de l’humanité.

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