Mauritania Airways décolle malgré des vents contraires
Avec deux nouveaux appareils, la compagnie prouve sa volonté d’être un acteur régional malgré des moyens limités et une situation politique instable. Une stratégie qui aurait convaincu un nouvel actionnaire.
C’est fini, Mauritania Airways ne joue plus dans la cour des petits. Le 11 juillet, l’unique transporteur aérien enregistré en Mauritanie a commencé à étendre son réseau au-delà du voisinage avec un premier vol entre Nouakchott et Brazzaville, via Cotonou. Deux autres inaugurations ont immédiatement suivi : Nouakchott-Niamey via Bamako le 12 juillet, et Nouakchott-Conakry via Dakar le lendemain. L’ambition de créer une compagnie régionale figurait déjà, en décembre 2006, parmi les objectifs des trois actionnaires de la compagnie : Tunisair, le groupe mauritanien Bouamatou SA et l’État, avec respectivement 51 %, 39 % et 10 % du capital de Mauritania Airways (10 millions de dollars). Mais la flambée des cours du kérosène, les lenteurs administratives et l’extrême instabilité politique du pays ont fait traîner leur projet.
Les nouvelles destinations – auxquelles devraient s’ajouter Banjul et Tunis d’ici à la fin août puis, dans un deuxième temps, Libreville – viennent compléter un maillage qui, à l’exception de Paris et Abidjan, se limitait pour le moment à quelques dessertes de proximité : le port de Nouadhibou et la ville minière de Zouérate (au nord du pays), Dakar, Las Palmas (Canaries) et Bamako.
Bénéfices attendus en 2011
Indispensable à cette croissance, l’enrichissement de la flotte : fin mai et début juin derniers, Mauritania Airways a pris deux Boeing 737-700 en leasing, elle a mis un terme à la location à Tunisair de son unique appareil long-courrier, un Airbus A320, et conserve en revanche son ATR 42 pour les vols régionaux.
Mauritania Airways ne compte pas concurrencer Royal Air Maroc (RAM) en constituant un hub à Nouakchott comme la compagnie marocaine l’a fait à Casablanca. Sa direction sait bien qu’un tel projet relèverait du délire. Lucide, elle table sur une stratégie plus modeste : relier les capitales d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Malgré la présence d’Air Ivoire, Air Mali et Air Burkina, elle considère qu’il reste encore de la place sur ce créneau. « Ces routes ont un potentiel important et doivent nous permettre d’augmenter notre taux de remplissage », assure le Tunisien Moncef Badis, directeur général de Mauritania Airways. C’est pourquoi aucune des nouvelles liaisons n’est directe.
Le choix de cette stratégie est également conforté par l’étroitesse du marché mauritanien. Toutes compagnies confondues, l’aéroport de Nouakchott accueille environ 170 000 passagers par an, l’équivalent de deux jours de trafic à Orly et d’une semaine à Tunis ! Il faut donc aller chercher les clients ailleurs… « Entre Bamako et Abidjan, on peut embarquer 50 à 60 personnes », estime Moncef Badis.
Avec ses nouvelles liaisons, Mauritania Airways espère doubler le nombre de ses passagers dès la fin 2009. Mieux vaut pour elle : en 2008, le taux de remplissage de ses appareils a tourné aux alentours de 30 %, avec 54 000 passagers. Autre signe que rien n’est encore rose : la direction générale, qui espère les premiers bénéfices pour 2011, refuse de communiquer le chiffre d’affaires.
En vertu de la règle selon laquelle l’évolution des fonds propres d’une compagnie aérienne doit suivre celle de sa flotte, Mauritania Airways prévoit de tripler son capital. L’arrivée d’un nouvel actionnaire – un fonds d’investissement et non une compagnie aérienne – est prévue. Des candidats au Qatar ont déjà témoigné leur intérêt. Au final, la répartition des parts devrait être modifiée : 5 % pour l’État mauritanien, 20 % pour le groupe Bouamatou, les 75 % restants se partageant à égalité entre Tunisair et le mystérieux nouveau venu.
Mais la partie est loin d’être gagnée. Mauritania Airways reste tributaire de la vitalité économique du pays. Or les aléas politiques – coup d’État du 6 août 2008 et élection du 18 juillet 2009 – suscitent l’attentisme des investisseurs. Mais le déficit de compétences dans le pays, notamment en personnel navigant, pénalise le plus la compagnie. Elle a par conséquent recours à la formation (20 % de la masse salariale) et aux étrangers.
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