Brazza, degré zéro

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 20 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

À Brazzaville hier, comme à Alger à l’issue du scrutin d’avril dernier, l’essentiel de la polémique entre le pouvoir et l’opposition a porté sur le taux de participation des électeurs à la présidentielle. Certes, point n’est besoin d’être grand clerc pour affirmer qu’ici et là le nombre réel des participants à ces deux élections boycottées par une partie de l’opposition n’a atteint ni les chiffres plafonds énoncés par les organisateurs, ni les pourcentages planchers assénés par leurs détracteurs.

Mais l’essentiel est ailleurs : quelle qu’en soit l’ampleur exacte, le phénomène de l’abstention, même s’il ne remet nullement en cause la légitimité des présidents réélus, est bien une réalité qui, d’échéance en échéance, tend à devenir un mal africain qu’aucun des protagonistes de la scène politique ne paraît en mesure d’assumer, tant elle les dérange. Dans ce jeu de rôle pervers, les opposants font semblant de croire que les abstentionnistes partagent leurs idées, tandis que les pouvoirs en place contractent volontiers leur nombre. Un cercle vicieux, qui empêche chacun de s’interroger sur ses propres responsabilités.

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Comme l’a répété Barack Obama à Accra (voir pp. 22-28), une élection ne fait pas la démocratie. Si l’électorat se rend d’autant moins aux urnes qu’il est urbain et politisé, y compris quand les scrutins sont clairement pluralistes et considérés comme transparents (cf. les dernières législatives maliennes, sénégalaises et marocaines), c’est sans doute parce qu’il se sent impuissant à peser sur le cours d’une vie publique dont les règles, quelle que soit la couleur du pouvoir, sont définies en dehors de lui par une caste politique autiste. Ce constat en appelle un autre, fondamental. En dehors de l’Afrique du Sud, où l’ANC a placé la mystique du « one man, one vote » au cœur de son combat, il n’y a eu nulle part sur le continent de ces programmes d’éducation au vote (« voter éducation ») en mesure d’ancrer la culture du bulletin et de son importance au cœur du système démocratique. Sur ce point, tous les acteurs politiques ont failli à leurs obligations pédagogiques.

Le résultat de cette carence est apparu, jusqu’à la caricature, lors de la présidentielle congolaise du 12 juillet. Les opposants les plus déterminés au président Sassou Nguesso avaient certes leurs raisons de le défier mais, faute d’unité et de projet de société alternatif, ils ont eu recours à la stratégie du pire. Pendant des semaines, des ténors prêts à se battre jusqu’au dernier Congolais, et d’autant plus radicaux qu’ils nichent au creux de la diaspora, ont abreuvé Internet d’appels au soulèvement. Jouant sur le traumatisme des guerres civiles passées, ils ont alimenté un climat de psychose et déclenché au sein des populations de Brazzaville un réflexe de fuite, aggravant sciemment le phénomène de désertion des urnes. C’est sans doute ce que l’on appelle le degré zéro de la politique…

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