Le rap comme ligne de conduite

À 42 ans, Éric MC s’apprête à lancer son troisième album, Toi, l’Exilé, un mélange de hip-hop et de reggae qui retrace son séjour en Europe, au lendemain de son départ forcé du Togo.

Publié le 16 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

Issu du dossier

Togo, attention, fragile!

Sommaire

L’un des rappeurs les plus connus du Togo tord le cou à bien des idées reçues. Pénétrer chez Éric MC, dans le quartier Forever de Lomé, vous plonge dans l’univers d’un professionnel exigeant. On s’attendait à voir un fatras de canettes de boissons, des restes de joints traînant négligemment sur le sol, un bazar indescriptible de disques et de textes crachant un improbable venin. On découvre, au contraire, un jardin stylé cintrant une villa d’inspiration bourgeoise, un grand escalier sculpté, des livres et des bibelots bien rangés. Sur les murs, des peintures de Louis Armstrong et de Ray Charles témoignent de l’éclectisme de celui qui, en 2005, a fuir son pays en raison « de textes mal compris ». Au sous-sol, non loin d’un garage où dorment une Jaguar et une vieille Cadillac, le home-studio accueille un matériel dernier cri ainsi qu’un ensemble d’haltères enchevêtrés. « Je m’entretiens tous les jours pour garder mon dynamisme et offrir sur scène le meilleur de moi-même », explique le chanteur.

Le fait d’être marié à une Suisse explique-t-il cette vie ordonnée très éloignée de la teneur de ses textes, qui dénoncent tour à tour le chômage des jeunes, la pédophilie, le sida ou l’absence de démocratie en Afrique ? « Cela me permet de travailler dans de bonnes conditions et de ne pas être absorbé par le quotidien. » Soudain, on frappe à la porte. Un désœuvré alcoolisé vient quémander de l’aide. En Afrique, c’est aussi – malheureusement – à cela qu’on juge une notoriété. Il faut dire qu’Ayaovi Éric Mensah, de son vrai nom, n’est pas le dernier-né dans la planète afro-rap. Et sa personnalité ne laisse pas indifférent. Originaire d’Aného, à 50 kilomètres de Lomé, il débute dans les années 1980 après avoir appris le maniement des platines à la Jat Sound Studio, école de disc-jockeys de Lagos, au Nigeria. En 1990, il investit les boîtes de nuit de Lomé et organise des sound-systems. La même année, il commence à écrire et crée la première école de rap au Togo : The King Sound Studio.

la suite après cette publicité

Un rebelle de la platine aux textes engagés

En 1992, la première partie d’un concert du Français MC Solaar dans la capitale togolaise lui donne une visibilité. Les concerts et les tournées s’enchaînent. Sorti en 2002, Adjamofo, son premier album, enregistré au Ghana, décroche deux récompenses en 2003 aux Hip-Hop Awards du Togo. Puis vient son deuxième opus, Mimbo Mofo, en 2005.

Contraint de quitter son pays la même année, ce rebelle de la platine séjourne plusieurs mois en Italie, avant de revenir au Togo en 2007. En mai 2008, l’animateur de RFI Claudy Siar lui consacre une édition spéciale de son émission Couleurs tropicales. Éric MC ne s’en débat pas moins dans un désert. « Il n’y a pas un seul label ici, ni un studio de répétition, déplore-t-il. L’état de la culture est désolant. »

Fort heureusement, à la veille de la sortie de son troisième opus, Toi, l’Exilé, annoncé pour octobre 2009, le rappeur vient de faire une nouvelle rencontre, celle de Ted Ahloye. Derrière son regard malicieux, ce passionné de blues qui a vécu dix-sept ans à Grenoble, en France, a organisé des concerts de B.B. King, Ray Charles, Luther Allison – aujourd’hui parrain de l’un de ses enfants – et même de James Brown. Une prometteuse collaboration en perspective.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image