Mesures d’urgence face à la crise
Avec le retour des bailleurs de fonds et, depuis quelques mois, des investisseurs, le Togo relance timidement sa machine économique. Les signaux positifs se multiplient, mais l’impact de la conjoncture mondiale freine les efforts.
Togo, attention, fragile!
Le Togo joue de malchance. En 2007, le retour de l’aide européenne, stoppée depuis quinze ans pour « déficit démocratique », avait suscité un formidable espoir pour la relance économique. Mais la flambée des prix des produits de première nécessité l’an dernier et la crise financière internationale actuelle annihilent ces perspectives. Du moins temporairement.
Avec un modeste taux de 1,7 % prévu en 2009 (1,1 % en 2008), l’évolution du produit intérieur brut (PIB) sape les efforts déployés par le gouvernement pour soutenir la machine économique. « Ce contexte freine notre redressement et notre reconstruction. Notre croissance est nettement insuffisante. Il nous faudrait 7 % à 8 % par an sur plusieurs années consécutives pour résorber la pauvreté », explique Gilbert Bawara, ministre de la Coopération internationale et du Développement, qui fut en première ligne, ces deux dernières années, pour obtenir le retour en grâce de son pays au sein de la communauté internationale.
Après l’embargo, l’austérité
La crise affecte tous les secteurs. « La clientèle a chuté de 30 % par rapport à la même période l’an passé », remarque Myrna Tabchoury, la directrice d’un grand hôtel de Lomé. Le trafic du port de Lomé (voir p. 76) a reculé dans les mêmes proportions. Signe indiscutable que le repli est général, « le port nigérian de Lagos n’est pas engorgé. Du jamais vu ! » s’étonne David El Bez, directeur de l’armateur Getma-Manuport au Togo.
Pour le Togo, les incidences de ce ralentissement jouent surtout sur trois niveaux : le décaissement de certains crédits, sur lesquels le gouvernement comptait pour boucler son budget, est retardé ; la diminution des échanges fait reculer le niveau des recettes fiscales et douanières ; le volume des ressources envoyées par la diaspora est lui aussi touché. « La faible demande pour les services de transit et d’entrepôt est perceptible, reconnaît le ministre de l’Économie, Adji Ayassor. Nous ressentons la chute des exportations de phosphates, de ciment et de clinker. »
Des mesures d’urgence ont été prises. Ainsi, l’an dernier, 20 millions de F CFA (43 750 dollars) de subventions ont été débloqués pour soutenir la filière agricole. Les arriérés de pension des retraités ont été réglés, et le niveau du salaire minimum interprofessionnel garanti (smig) a été relevé début août. Les taux de l’impôt sur les sociétés ont été allégés de 7 points. Par ailleurs, les bailleurs de fonds, comme la France, la Chine, l’Union européenne (UE) ou la Banque africaine de développement (BAD), ont été sollicités pour soutenir le plan de réparation des infrastructures (ponts, routes…) détériorées lors des inondations de 2008. Toutefois, ces décisions permettent juste d’endiguer la dégradation du climat social. Après l’embargo vient donc le temps de l’austérité.
La relance par la rigueur
Fort heureusement, la signature opportune, en avril 2008, d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) limite les incidences de cette mauvaise conjoncture. Elle est complétée, en septembre 2008, par l’engagement des partenaires du pays de débloquer 600 millions de dollars. « Le Fonds est souvent critiqué en Afrique, mais le Togo n’aurait pu supporter un tel choc s’il était toujours sous embargo. Il serait en faillite », estime un observateur.
D’un montant de 108 millions de dollars, la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) du FMI permet de soutenir les finances publiques et d’engager les réformes devant stimuler l’investissement. Celles-ci sont indispensables. « Les dépenses de santé, d’éducation et d’investissement public sont nettement inférieures à la moyenne régionale », note le FMI. Ces chantiers touchent prioritairement les finances publiques, la restructuration du secteur bancaire (voir p. 67) et des filières stratégiques comme le coton ou les phosphates (voir p. 72).
En juillet 2008, la direction générale du Trésor, dirigée par la très influente Ingrid Awadé-Nanan, a été réorganisée. Bien que critiquée par l’opposition parlementaire car jugée partiale, une Cour des comptes a été instaurée en juin dernier, et le gouvernement a engagé l’apurement des 300 milliards de F CFA (plus de 656 millions de dollars) de dette intérieure. Quant à la dette extérieure, colossale (2,2 milliards de dollars), elle sera libérée lorsque le Togo atteindra, en fin d’année, le point d’achèvement de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE). À terme, elle ne correspondra plus qu’à 65 % des recettes budgétaires du pays, contre 400 % en 2007.
En dehors du fait que le déblocage des 600 millions de dollars promis par les bailleurs de fonds est pour l’heure purement hypothétique, « le pays a besoin de ressources additionnelles immédiates, sous forme de dons ou de prêts concessionnels, pour financer les investissements indispensables au renforcement des services sociaux », prévient le ministre de l’Économie.
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