Présidentielle mauritanienne au pas de course
Organisé en trois semaines, le scrutin du 18 juillet sera-t-il plus crédible que celui de mars 2007 ?
En Mauritanie, les chefs d’État sont faits et défaits en des temps records. Le 6 août 2008, quelques heures ont suffi au général Ould Abdelaziz pour s’installer dans le fauteuil de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Moins d’un an plus tard, la présidentielle du 18 juillet aura été organisée en trois semaines.
Le délai paraît dérisoire pour assurer la transparence d’un scrutin qui fait l’objet de lourdes attentes. Une partie de la population et de la communauté internationale espère qu’il mettra un point final à la crise née du putsch du 6 août et même, pour les plus optimistes, au cycle des coups d’État inauguré il y a plus de trente ans.
Installation de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), dépôt des dossiers de candidature, actualisation des listes, formation des observateurs : ces préparatifs devaient démarrer le 6 juin, deux jours après la signature de « l’accord de Dakar ». Un texte arraché de haute lutte par la communauté internationale, qui, en programmant pour le 18 juillet une élection fiable, a réconcilié détracteurs et soutiens du général Ould Abdelaziz (partisans, ces derniers, d’une présidentielle dès le 6 juin).
Mais l’application de l’accord a traîné. D’après ses dispositions, seul un gouvernement d’union nationale peut décréter la tenue du scrutin. Il n’a été nommé que le 27 juin, les camps se disputant les postes. Autre préalable : la démission du président déchu. « Sidi » refusant de passer à l’acte avant la dissolution du Haut Conseil d’État (HCE), la junte qui l’a renversé, il aura fallu attendre la mue du HCE en Conseil de défense et de sécurité nationale, placé sous l’autorité du nouveau gouvernement.
Des blocages qui ont réduit les délais au minimum. Les candidats ont eu trois jours, du 28 au 30 juin, pour déposer leurs dossiers. Ils sont finalement dix. Pièce maîtresse du dispositif, parce qu’elle place un observateur dans chacun des 2 485 bureaux de vote, la Ceni n’a été constituée que le 1er juillet. L’accord de Dakar prévoit que ses membres proviennent des différents pôles de la crise. Résultat, « il a fallu s’organiser, se discipliner et s’entendre », explique son président, Sid’Ahmed Ould Bey, qui fut ambassadeur de Mauritanie en Tunisie. Quant aux résultats de l’actualisation du fichier électoral, ils devraient être connus aux alentours du 14 juillet, soit seulement quatre jours avant le jour J. Près de 100 000 nouveaux électeurs (qui viennent d’accéder à la majorité légale pour la plupart) devaient s’ajouter aux 1,2 million déjà inscrits (dont 20 465 à l’étranger). Un bulletin unique infalsifiable, comportant la photo, le sigle et le nom de chacun des 10 candidats, devait être imprimé par Smith & Ouzman, basé à Londres (l’entreprise avait déjà raflé le marché en 2007).
Marraines de l’accord de Dakar, les organisations internationales ont promis de soutenir l’élection. Mais la lourde machine de l’Union européenne (UE) n’enverra pas d’observateurs. Ses vigiles débarquent en général trois à quatre mois avant le scrutin, pour ausculter sa préparation dans les moindres détails. Impossible de déroger à la règle… Procédure oblige, impossible aussi de débloquer des fonds européens en trois semaines. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) est plus souple : elle déploie 50 observateurs et débourse 1 million d’euros. L’Union africaine (UA) et l’Organisation de la conférence islamique (OCI) devraient aussi envoyer des « gardiens du vote », qui, au total, seront une centaine.
Cette présidentielle au pas de course sera-t-elle plus crédible que celle de mars 2007 ? À l’époque, le scrutin avait été salué par la communauté internationale. « Paradoxalement, le jeu est beaucoup plus ouvert », analyse un haut fonctionnaire. Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale, Ahmed Ould Daddah, leader de l’opposition, Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, tombeur de Sidi : des pointures s’affrontent sans que – contrairement à 2007, où une partie de la junte au pouvoir avait jeté son dévolu sur Sidi – une autorité ait les moyens de faire pencher la balance de façon décisive.
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