Le temps de la gratitude
Pour le quinzième anniversaire de la prise du pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR), un hommage a été rendu à ceux qui l’ont soutenu dans son combat.
Un chef d’État, un Premier ministre et une ex-première dame. La liste s’arrête là pour les invités de marque du gouvernement rwandais à l’occasion du quinzième anniversaire de la prise du pouvoir par le FPR. Mais ces trois hôtes – le président ougandais Yoweri Museveni, le Premier ministre éthiopien Mélès Zenawi et Maria Nyerere, la veuve de l’ancien président tanzanien Julius Nyerere – avaient tous de bonnes raisons d’être au stade Amahoro de Kigali, le 4 juillet, aux côtés du numéro un rwandais Paul Kagamé. Le FPR a tenu à les honorer pour leur contribution à sa conquête du pouvoir et leur attitude lors du génocide. « Nous leur exprimons notre gratitude pour leur soutien infaillible. Il n’y a pas assez de mots pour le dire », a déclaré le chef de l’État rwandais. Signes de cette gratitude, les décorations décernées aux trois personnalités : l’Uruti (médaille nationale de libération) et l’Umurinzi (médaille de la campagne contre le génocide). Au-delà des symboles, c’est toute l’histoire du Rwanda depuis 1990, année de la première attaque du FPR contre le régime de Juvénal Habyarimana, et celle de l’Ouganda depuis l’accession au pouvoir de Yoweri Museveni, en 1986, qui ont été revisitées.
À Kigali, le chef de l’État ougandais a rappelé ses liens avec les futurs dirigeants du FPR, à l’instar de son premier chef militaire, Fred Rwigema, qu’il avait recruté au milieu des années 1970 lorsqu’il luttait contre Idi Amin Dada. Lorsque, en 1979, la Tanzanie décide d’en finir avec Amin Dada en soutenant l’ex-président Milton Obote, allié à Museveni au sein de l’Uganda National Liberation Army (UNLA), de nombreux Rwandais sont avec eux. Mais le retour au pouvoir d’Obote remet en question la présence de ces derniers en Ouganda. Dès 1981, Museveni retourne ses armes contre Obote, crée la National Resistance Army (NRA) et recrute parmi les réfugiés rwandais. Il y a là, entre autres, Fred Rwigema et Paul Kagamé. Cinq ans plus tard, lorsqu’il entre à Kampala, le premier est commandant en chef adjoint (il sera nommé vice-ministre de la Défense en 1987), alors que le second devient responsable du renseignement au sein de la NRA. En 1987, le FPR voit le jour. Mais, une nouvelle fois, la présence de l’élite rwandaise dans les rouages du pouvoir est mal perçue par la population.
Museveni a-t-il alors poussé le FPR à prendre les armes contre le régime d’Habyarimana ? Sur ce point, le discours de l’intéressé n’a jamais varié. « En septembre 1990, je me trouvais à New York lorsqu’on m’a téléphoné de Kampala pour m’annoncer que tous les soldats rwandais de la NRA venaient de déserter pour attaquer le Rwanda. J’ai appelé le président Habyarimana pour l’informer. Mais on m’a répondu qu’il dormait et ne voulait en aucun cas être réveillé », a-t-il raconté à la foule hilare du stade Amahoro de Kigali. Après avoir entretenu des relations difficiles avec Kagamé, notamment à l’issue de la guerre menée par leurs deux pays au Congo et à cause de la présence d’opposants rwandais en Ouganda, les décorations remises à Museveni sont surtout un signe de détente entre Kampala et Kigali.
A titre posthume
Quant à Mélès Zenawi, Kagamé lui sait gré d’avoir été l’un des premiers à avoir dénoncé le génocide et d’avoir insisté pour que l’Organisation de l’unité africaine (OUA) crée en son sein une commission d’enquête afin de comprendre pourquoi la tragédie s’était produite. En ce qui concerne Maria Nyerere, elle a reçu une médaille destinée à titre posthume à son mari. À en croire Paul Kagamé, les conseils du Mwalimu, qui s’était retiré du pouvoir en 1985, ont nourri la lutte du FPR. Après la victoire de ce dernier, il s’était rendu au Rwanda pour exprimer sa compassion aux rescapés du génocide.
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