L’homme qui a escroqué Kadhafi
Les Caraïbes. Leurs paradis fiscaux, sous les palmiers. Leurs plages de sable fin. Et… des milliards de dollars qui s’envolent. C’est dans ce cadre idyllique pour banquiers flambeurs amateurs de jolies femmes que s’est déroulée une escroquerie financière de grande ampleur dont la Libye de Mouammar Kadhafi est la première victime.
Le 19 juin, un tribunal fédéral de Houston (Texas) inculpe Allen Stanford, un homme d’affaires américain qui possède également la nationalité d’Antigua-et-Barbuda, pour une fraude évaluée à 7 milliards de dollars. Ses clients ont été alléchés par l’acquisition de plus de quatre millions de prétendus certificats de dépôts à hauts rendements. Pour les attirer dans le piège, Stanford a eu recours, à l’instar de Bernard Madoff, condamné le 29 juin à cent cinquante ans de prison, au bon vieux système de la pyramide de Ponzi. Une technique qui consiste à payer les intérêts des premiers clients avec les dépôts des suivants.
Les fonds récoltés auprès des clients un peu trop naïfs ont été confiés à la Stanford Group Company. Basée à Houston, elle sert de filiale à la société émettrice des certificats de dépôts, la Stanford International Bank Ltd (SIBL), un établissement offshore appartenant également à Allen Stanford.
Pot aux roses
Parmi les quelque 30 000 investisseurs floués, la Libye occupe une place de choix. Elle a perdu plus de 500 millions de dollars dans l’aventure. C’est Andrea Stoelker, la collaboratrice et – jusque-là du moins – la petite amie de Stanford, qui, après l’avoir accompagné à bord de son jet privé à Tripoli, le 25 janvier dernier, aurait révélé le pot aux roses, selon des documents publiés par le tribunal de Houston, le 7 juillet.
Le plus surprenant dans cette affaire, c’est que la Libye a investi massivement à partir d’octobre 2008, en pleine crise financière internationale, ce qui aurait dû l’inciter à plus de prudence. « C’est incroyable, confie un banquier libyen établi à l’étranger. Même un débutant n’aurait pas commis pareille erreur, compte tenu de la conjoncture et, aussi, de l’opacité des sociétés de Stanford, qui ne présentent aucune garantie digne de ce nom. »
Ils ont suivi le « Guide » !
Qui a pris la décision d’investir chez Stanford ? Les placements ont été versés par la « Libyan Investment Authority » (LIA), un fonds souverain doté de 70 milliards de dollars, qui a commencé ses opérations à la mi-2007. En théorie, la stratégie et les politiques d’investissement sont censées être adoptées par le Conseil des gouverneurs de la LIA – qui siège sous l’autorité du Premier ministre Baghdadi Mahmoudi –, dont le président est Abdelhafidh Zlitni, ministre du Plan et des Finances, et le directeur général Mohamed Layas.
Ces deux derniers sont les « argentiers » attitrés de Kadhafi depuis trois décennies. Ils ont été les interlocuteurs de Stanford à Washington et à Tripoli. En réalité, le Conseil des gouverneurs n’est qu’une institution de façade. Le vrai ordonnateur du fonds souverain est Mouammar Kadhafi. Ses responsables ne font que suivre ses instructions, pour sauver des apparences de bonne gouvernance. Selon plusieurs analystes libyens, la décision de placer de l’argent chez Stanford s’inscrit dans le cadre de la stratégie du « Guide », qui a décidé d’investir aux États-Unis. « Comme Kadhafi se veut le sauveur de l’humanité, commente l’un d’eux, il a été séduit par l’idée et… roulé dans la farine. »
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