Mortelles contrefaçons

Coresponsable du master Douanes et logistique à l’université du Havre (France)

Publié le 7 juillet 2009 Lecture : 2 minutes.

En tant que fonctionnaire des douanes, j’ai été très heureux de lire un article sur la contrefaçon dans un journal d’une telle notoriété (J.A. n° 2527), ce problème étant en général minimisé ou nié en Afrique. Sur le continent, la lutte contre les contrefaçons souffre du fait que l’objectif numéro un donné aux administrations douanières est un objectif fiscal. Un conteneur, c’est 25 millions de F CFA de droits et taxes. Si la douane le saisit, outre la perte de recettes, ce sera également des coûts pour l’enquête et la destruction des marchandises contrefaites, donc l’État y perdra !

D’autre part, la corruption « officielle » au sein de la douane ne permet pas de lutter efficacement contre ce fléau. Pour l’importateur, régler un problème contentieux représente un coût de 2 millions de F CFA par conteneur, versés directement au chef local, et la contrefaçon est ainsi traitée comme une fraude à la valeur ou à l’origine ! Enfin, dédouaner un conteneur, c’est environ 250 000 F CFA de pots-de-vin divers pour les douaniers et déclarants locaux. Saisir les marchandises contrefaites, c’est donc renoncer à d’importants compléments de salaire.

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Les services africains des douanes ne sont pas organisés pour lutter contre les organisations criminelles qui gèrent le marché des contrefaçons dans le monde : pas de services nationaux de renseignements, pas d’accords de coopération entre pays, pas de politique de ciblage des conteneurs, pas d’attachés douaniers à l’étranger permettant de recueillir des informations…

Les autorités politiques et la population considèrent souvent que les contrefaçons sont, comme le trafic de drogue, des problèmes de pays développés. Et c’est vrai que durant de nombreuses années les contrefaçons portaient surtout sur les textiles et les montres ! Maintenant que cela concerne le ciment, les produits de beauté, les médicaments ou les pièces auto-moto et que ce trafic cause directement la mort de milliers de personnes, les autorités locales et internationales commencent à réagir, comme l’Algérie et le Cameroun : mise en place de contrôles internes, formation et recrutement transparents, salaires décents, primes et promotions au mérite… La protection de la santé publique, et plus généralement du consommateur et du citoyen, doit être retenue comme un critère prioritaire de performance des douanes locales. 

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