Militants dans la ligne de mire

Publié le 7 juillet 2009 Lecture : 3 minutes.

Bukavu, 21 novembre 2008 : Didace Namujimbo, journaliste à Radio Okapi, est abattu d’une balle dans la tête en rentrant chez lui. Un exemple parmi d’autres du dernier rapport annuel de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (OPDDH)2, qui témoigne du danger encouru par les militants pour les droits fondamentaux dans certains pays du continent, comme la République démocratique du Congo ou la Somalie. Des gouvernements y sont pointés du doigt pour avoir cherché à étouffer toute voix critique ou à limiter les libertés d’expression, d’information et d’association. Fait marquant en 2008, la hausse des mécontentements sociaux liés à la crise économique mondiale a accru la répression. Toutes sévèrement réprimées, les émeutes de la faim ont secoué de nombreux pays et ont été à l’origine de nombreuses entraves aux libertés d’expression et de réunion. Elles ont encore servi de prétexte à des arrestations arbitraires comme au Niger, au Cameroun, ou au Sénégal.

Cette situation se mesure également à l’aune des nombreux obstacles posés à l’émergence de représentations syndicales indépendantes, comme à Djibouti. M. Adan Mohamed Abdou, de l’Union djiboutienne du travail (UDT), a notamment été convoqué par le gouvernement à plusieurs reprises en mai 2008 et menacé de représailles.

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La crise est aussi un élément de fragilisation des ONG sur le plan financier. L’inflation de mesures législatives visant à contrôler, voire interdire les financements étrangers, au Soudan ou en Éthiopie par exemple, entrave à bien des égards leur fonctionnement.

En outre, les accusations de complicité avec les puissances ennemies portées à l’encontre des organisations dénonçant les violations des droits de l’homme par des agents de l’État restent monnaie courante dans les pays en conflit ou en crise, comme au Tchad ou au Zimbabwe. Nous avons été ainsi pendant plus de trois semaines sans nouvelles de Jestina Mukoko, directrice du Projet pour la paix au Zimbabwe. Elle a finalement comparu le 24 décembre dernier devant le tribunal de première instance de Harare, où elle a été accusée de « trahison ». Incarcérée pendant trois mois puis libérée sous caution, elle n’a toujours pas été jugée. Son seul tort : avoir dénoncé les violences politiques dans son pays.

L’oppression subie par les défenseurs des droits de l’homme présente de multiples visages : harcèlements, menaces, actes de torture, arrestations et détentions arbitraires, jugements inéquitables, etc. Elle touche dans de nombreux pays tous ceux qui se battent contre les atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux. Les travailleurs humanitaires, les journalistes, les avocats, ou encore les observateurs électoraux sont eux aussi victimes de cette chape de plomb.

Est-ce un hasard si, bien souvent, la répression est proportionnelle aux succès rencontrés par les défenseurs des droits fondamentaux dans leur lutte contre l’impunité ? Dans certains pays, l’intensification des représailles à l’encontre de ces militants ressemblerait presque – si elle n’était aussi tragique – à un hommage à leur efficacité. En novembre dernier, par exemple, le régime du président soudanais Omar el-Béchir n’a pas hésité à faire arrêter et torturer trois militants soudanais des droits humains pour leur soutirer des informations sur leurs activités.

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Pour conclure sur une note plus optimiste, il faut signaler que le rapport de l’OPDDH fait également référence à des pays où la situation s’est globalement améliorée. Certains États comme le Burkina Faso, le Mali ou la Zambie ont vu s’accroître les possibilités de débattre librement des politiques publiques. Là encore, ces quelques victoires résultent d’un travail de longue haleine, de sensibilisation de la population et des autorités à la nécessité d’améliorer la situation des droits fondamentaux. C’est au dévouement et à l’engagement de ces milliers de militants en Afrique et à travers le monde que nous devons ces améliorations. Or, en ces temps de crise, il convient plus que jamais de les soutenir.

1. Souhayr Belhassen est présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

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Eric Sottas est secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).

2. L’OPDDH est un programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT.

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