Obama sur les traces de Bush
Le nouveau président américain sera les 10 et 11 juillet à Accra. L’occasion de présenter sa politique africaine, que l’on attend au moins aussi ambitieuse que celle de son prédécesseur.
À moins d’une semaine de la visite du premier président afro-américain en Afrique subsaharienne, le Ghana est en pleine ébullition. Les militants confectionnent leurs pancartes « Akwaaba Obama » (« bienvenue », en ashanti), les services de sécurité ratissent les sites, les autorités traditionnelles et autres personnalités font des pieds et des mains pour obtenir les derniers tickets d’invitation… Pour le chef de l’État, John Evans Atta-Mills, la venue de la nouvelle star planétaire et de son épouse, Michelle, représente un adoubement inestimable qu’il compte bien mettre à profit pour conforter sa popularité et revendiquer un leadership régional. Un cadeau qu’il n’imaginait pas lorsqu’il a prêté serment le 7 janvier, soit treize jours avant son homologue américain.
Pour que la fête soit belle, la ministre de l’Information, Zita Okaikoi, a appelé à l’unité nationale alors que l’opposition dénonce l’inefficacité du gouvernement (gestion de la crise, corruption…) et demandé aux habitants de la capitale de faire « le ménage partout où cela est nécessaire ».
Tout est parti d’un simple coup de téléphone d’Obama à Atta-Mills, fin janvier, pour le féliciter pour son élection démocratique et son engagement à lutter contre le trafic de drogue. Une visite a bien été évoquée… Puis, plus rien, jusqu’à ce que l’on apprenne en mai que le président américain se rendrait au Ghana, les 10 et 11 juillet, après le sommet du G8 de L’Aquila, en Italie. Un retour sur la terre natale de son père que toute l’Afrique subsaharienne attendait impatiemment alors que le président a multiplié les voyages en Asie, en Europe, en Amérique du Sud, au Moyen-Orient… Le Nigeria, premier fournisseur africain d’hydrocarbures des États-Unis, et l’Afrique du Sud, premier partenaire commercial, avaient pourtant lancé des invitations. En vain. Abuja a probablement payé le prix des violences et de l’instabilité sociale lors de la dernière présidentielle ; Johannesburg espère qu’Obama viendra, comme il y a été invité, à l’occasion de la Coupe du monde, en juin 2010.
Vitrine du continent
Après Bill Clinton en mars 1998 et George W. Bush en février 2008, c’est la troisième fois qu’un président américain s’apprête à visiter le Ghana. Ce n’est pas un hasard. On peut en effet à la fois se recueillir sur un des hauts lieux de l’esclavage, célébrer la démocratie et promouvoir les bonnes pratiques. Obama a d’ailleurs prévu de se rendre au château de Cape Coast, d’où partaient les esclaves à destination du Nouveau Monde, et de faire une visite de courtoisie au chef traditionnel de la communauté de Oguaa avant de revenir à Accra pour une rencontre avec la population au square de l’Indépendance. Le chef de l’État américain aura également un tête-à-tête avec son homologue ghanéen au cours duquel il devrait aborder un certain nombre de questions, notamment l’économie, la sécurité et la gouvernance. Les dirigeants du continent attendent surtout le discours qu’il doit prononcer sur la politique africaine des États-Unis. Il ne devrait pas y épargner les « mauvais perdants » des élections et les prédateurs des peuples.
Pour le reste, pas sûr que la politique de Barack Hussein soit si différente de celle de son prédécesseur, qui a « afro-américanisé » les diplomates en poste sur le continent, lancé un grand plan pour enrayer la propagation du sida, multiplié les échanges américano-africains par trois entre 2001 et 2008 – 104,6 milliards de dollars – et intensifier la lutte contre le terrorisme. « S’il y a une chose que George Bush a réussie, c’est peut-être la politique africaine », affirmait récemment Philip Carter III, l’adjoint au nouveau secrétaire aux Affaires africaines, Johnnie Carson. Loin de revendiquer l’héritage de « W », la secrétaire d’État, Hillary Clinton, semble néanmoins poursuivre ses combats. « Nous allons lutter contre les tentatives d’Al-Qaïda, qui cherche à prendre pied dans les États en déliquescence de la Corne de l’Afrique, aider les pays africains à préserver leurs ressources naturelles et à recevoir une juste rémunération, à mettre un terme à la guerre du Congo, au régime autocratique du Zimbabwe et au désastre humanitaire au Darfour », expliquait en janvier Hillary Clinton devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères. En matière d’aide, les États-Unis apporteront un soutien prioritaire à des pays démocratiques tels que l’Afrique du Sud et le Ghana. Obama souhaite aussi soutenir l’agriculture africaine et réduire la dépendance de son pays à l’égard des fournisseurs pétroliers et gaziers, dont le Nigeria. « Il veut se soustraire au maximum à l’influence des lobbies pour mener sa propre politique en Afrique comme ailleurs », indique un diplomate américain.
Se soustraire aux lobbies
Appliqué à régler la crise financière et à prendre la mesure des défis qui l’attendent au Proche- et au Moyen-Orient, ce n’est que le 22 mai qu’Obama a reçu pour la première fois un président africain, le Kényan Jakaya Kikwete, à qui il a demandé de poursuivre ses efforts pour résoudre la crise dans son pays. Il a par la suite rencontré son homologue égyptien au Caire avant d’apporter son soutien au Premier ministre du Zimbabwe, Morgan Tsvangirai, invité à la Maison Blanche. Hillary Clinton a, quant à elle, eu plusieurs discussions bilatérales (Afrique du Sud, Nigeria, Angola et Maroc) et s’est entretenue avec les ministres des Affaires étrangères du Maghreb en marge des travaux de la conférence pour le soutien à la reconstruction de Gaza, qui s’est tenue en mars à Charm el-Cheikh. Rien de nouveau non plus. Les États-Unis prônent la politique de bon voisinage et le règlement négocié de la question du Sahara occidental.
Confirmée le 29 avril par le Sénat, Johnnie Carson est allé assister à l’investiture de Jacob Zuma, le 9 mai. À ses côtés, Ron Kirk, un autre Afro-Américain, ancien maire de Dallas, qui est le nouveau responsable du commerce américain (US Trade Representative) dont le rôle est de négocier des accords commerciaux. Au retour, le nouveau secrétaire d’État adjoint aux Affaires africaines s’est arrêté au Kenya pour rencontrer le président Kibaki et le Premier ministre Odinga. Mais le dossier chaud du moment, c’est la Somalie, pour laquelle la Maison Blanche cherche un envoyé spécial. Le gouvernement américain a livré en juin missiles et munitions pour aider le président Cheikh Cherif Cheikh Ahmed dans sa lutte contre les terroristes islamistes et intensifié les discussions avec l’Érythrée, accusée de les soutenir. « Il s’agit de tout faire pour éviter que le gouvernement ne tombe », explique-t-on à Washington.
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