Présidentielles: Contre Sassou, qui ?
Treize candidats s’affronteront lors du premier tour de la présidentielle du 12 juillet prochain. Cinq d’entre eux appartiennent à l’opposition, divisée entre la tendance « radicale » et la tendance « modérée ».
Le prochain scrutin présidentiel a bien failli être boycotté par le Front des partis de l’opposition congolaise (FPOC), plate-forme qui rassemble deux grandes coalitions d’adversaires du régime, l’Alliance pour la république et la démocratie (ARD) et l’Alliance pour une nouvelle république (ANR). C’est au tout dernier moment que le Front a finalement choisi de présenter des candidats, bien décidé à en découdre avec le régime du président sortant, Denis Sassou Nguesso (DSN), candidat à sa propre succession sous la bannière du Parti congolais du travail (PCT) et de ses alliés regroupés au sein du Rassemblement pour la majorité présidentielle. Le FPOC avait pourtant déclaré qu’il ne présenterait aucun candidat si deux de ses revendications – mise en place d’une Commission électorale indépendante et révision des listes électorales – n’étaient pas satisfaites. Il n’a pas obtenu gain de cause, mais prendra part au scrutin. N’ayant pas participé au « dialogue républicain », initié par le pouvoir en avril dernier pour tenter de trouver un consensus sur l’organisation des élections, il ne disposera pas non plus d’assesseurs dans les bureaux de vote. Il devra se contenter de délégués de ses partis qui présentent des candidats, mais qui seront de simples observateurs lors du dépouillement du scrutin. Pas de possibilité donc d’établir des rapports officiels en cas de contestation.
Pas de boycottage
Alors qu’il avait présenté cinq candidats, le FPOC n’en a plus que trois, à la suite de l’invalidation de deux d’entre eux par la Cour constitutionnelle. Du coup, fait sans précédent depuis la première élection présidentielle pluraliste au suffrage universel direct, en 1992, l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads), le parti de l’ex-président Pascal Lissouba, ne sera pas au rendez-vous. Son candidat, Ange Édouard Poungui, s’est vu reprocher par la Cour de « ne pas avoir résidé ces deux dernières années de façon ininterrompue au Congo », comme l’exige l’article 58 de la Constitution. Une entorse au règlement qui a logiquement conduit au rejet de son dossier. Cette invalidation risque de faire du tort à l’opposition radicale. Toutefois, même si elle compte 11 députés à l’Assemblée nationale, l’Upads est aujourd’hui un parti morcelé en courants concurrents, et donc passablement affaibli. À l’instar de Poungui, un autre représentant de cette formation, Christophe Moukouéké, ancien baron du régime Lissouba, a également voulu tenter sa chance. Mais lui aussi a été exclu de la compétition pour avoir dépassé la limite d’âge requise.
Des grands partis de l’opposition qui ont marqué la vie politique congolaise au cours des vingt dernières années, il ne reste donc plus en lice que l’Union pour la démocratie et la république (UDR-Mwinda), ralliée au camp des radicaux. Mais depuis la mort, en 2008, de son fondateur, André Milongo, l’UDR-Mwinda, qui n’a qu’un élu à la Chambre basse, est elle aussi traversée par des turbulences. Du coup, son candidat, Guy Romain Kinfoussia, un officier à la retraite âgé de 68 ans, ne pourra pas compter sur le soutien du fils de Milongo, qui a créé son propre courant, l’UDR-Mwinda « authentique ». Bien qu’il se soit distingué au cours des derniers mois en prenant la tête de l’ANR et du FPOC, Kinfoussia, entré tard en politique, n’a pas de réelle assise populaire.
Parmi les deux autres candidats de l’opposition radicale, seul Mathias Dzon, un ancien haut cadre de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) et ex-ministre des Finances de Denis Sassou Nguesso, peut se prévaloir d’avoir été investi par l’ARD, qui regroupe une dizaine de partis. Cet homme né en 1947 se plaît à souligner qu’il n’a jamais été membre du PCT. Poids lourd de l’opposition radicale, fondateur de l’Union patriotique pour le renouveau national, qu’il a créée en 1991, il part donc avec plus d’atouts que Clément Mierassa. Ce dernier, ex-ministre du Commerce et des PME pendant la transition conduite par Milongo et candidat malheureux à la présidentielle de 1992, avec 0,67 % des suffrages exprimés au premier tour, a été investi par le Parti social démocrate congolais, dont il est l’un des fondateurs. Il a aussi créé l’ARD, dont il fut le président jusqu’à sa démission de ce poste en septembre 2008.
Une page se tourne
Dans un pays marqué par des partis à forte connotation régionale, force est de constater que, du côté de l’opposition, les départements du Niari et de la Bouenza, bastions traditionnels de l’Upads, n’ont pas de porte-parole, Poungui, natif de la Bouenza, ancien membre du PCT et Premier ministre de Sassou de 1984 à 1989, souvent critiqué pour son nomadisme politique, a été exclu de la course. Seul le Pool a un candidat en la personne de Kinfoussia, originaire de Boko. En revanche, le département des Plateaux compte trois représentants : Dzon, Mierassa et Joseph Hondjuila Miokono. Candidat de l’opposition modérée, cet ancien cadre du ministère des Finances, qui fut ministre du Commerce de Lissouba, est rentré au pays en 2006, après un long exil en Côte d’Ivoire et au Gabon.
Quant à Nicéphore Fylla Saint Eudes, le second héraut de l’opposition modérée, qui se présente sous la bannière du Parti républicain libéral, il n’a pas d’assise régionale marquée. Ce quinquagénaire, ancien cadre du cabinet d’audit international Ernst & Young, n’a jamais été membre du PCT. Mais il fut néanmoins nommé par DSN président-directeur général de Saris-Congo, une société de raffinage de sucre, filiale de Somdiaa, dont l’État congolais est actionnaire.
Avec ce scrutin, une page se tourne pour les partis et pour les figures politiques qui ont marqué le Congo sous le régime du parti unique ou depuis la Conférence nationale souveraine qui s’est tenue en 1991, telles que Pascal Lissouba, Bernard Kolélas (MCDDI), Joachim Yombi Opango ou Ange Édouard Poungui, exclues de l’actuelle compétition pour diverses raisons : retraite politique ou limite d’âge, ralliement au camp présidentiel ou rejet de leur candidature pour le dernier d’entre eux. D’autres, encore en lice, auront atteint la limite d’âge à la présidentielle de 2016. S’ils veulent survivre politiquement, les « grands » partis d’aujourd’hui vont devoir faire peau neuve.
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