Sécurité aérienne : qui faut-il croire ?
Les images émouvantes de la jeune Bahia Bakari, l’unique rescapée du crash de l’Airbus A310 de Yemenia Airways, ne dissiperont pas les questions embarrassantes. Pour les proches en colère des 152 victimes – y compris pour le père de Bahia, qui a retrouvé sa fille de 13 ans, mais perdu son épouse –, l’accident survenu dans la nuit du 29 au 30 juin, au large de Moroni (Comores), aurait pu être évité.
En effet, l’appareil avait subi un contrôle poussé, en 2007, en France. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) avait alors constaté de graves irrégularités. La compagnie n’a pas été pour autant inscrite sur la liste noire de l’Union européenne (UE), qui, après examen, a déjà banni une centaine de transporteurs jugés dangereux.
Seconde incohérence : sans avoir interdit formellement à l’appareil de se poser sur son sol, Paris avait fait sentir sa désapprobation à Yemenia Airways, qui évitait donc de l’utiliser pour ses liaisons avec la France. La Grande-Bretagne, en revanche, l’a laissé atterrir quelques jours avant le crash. Une attitude pour le moins étrange, alors que les normes de sécurité aérienne sont censées être harmonisées au sein de l’UE.
Autre interrogation : Yemenia Airways détient la certification Iosa (audit opérationnel de sécurité), un label de référence délivré par l’Agence internationale du transport aérien (Iata) après de longs et rigoureux examens. « Il faut montrer patte blanche pour l’obtenir », indique Jean-Pierre Delpech, ancien pilote et président de Quali-audit, une filiale d’Air France Consulting qui met à niveau les compagnies cherchant à obtenir le label.
Certains témoignages de passagers de Yemenia Airways laissent pourtant rêveur : ceintures de sécurité défectueuses, absence de gilets de sauvetage, bagages entassés au fond de l’appareil…
Le crash du 30 juin – comme celui de l’Airbus d’Air France, un mois plus tôt, entre Rio de Janeiro et Paris – met en évidence la très grande relativité des critères de sécurité et le manque d’informations en ce domaine.
La liste noire de l’UE ne comprend qu’une seule catégorie : les compagnies interdites. « Il faut y aller fort pour se retrouver sur cette liste ; du coup, toute une frange de compagnies, douteuses, à la marge, y échappe », analyse François Nénin, journaliste spécialisé dans le transport aérien et auteur de deux ouvrages sur le sujet. Constatant « une demande très forte d’information en matière de sécurité », il a établi un classement des compagnies en cinq catégories – de A, « bon niveau », à E, « interdite en Europe ou à interdire » – en se fondant sur toute une série de paramètres, de la formation du personnel au nombre d’accidents déplorés.
Contesté par certains professionnels (notamment Air France, classée en catégorie B, « niveau correct »), ce travail, accessible sur Internet, a le mérite de dissiper le préjugé selon lequel toutes les compagnies africaines sont à éviter : Tunisair figure en catégorie A ; Air Algérie, Air Madagascar, Air Mauritius et Royal Air Maroc en catégorie B.
Il réserve aussi quelques surprises : des fleurons comme Ethiopian Airlines et Kenya Airways figurent en C, « sous réserve ». « Il y a une grande différence entre la qualité perçue et la qualité réelle », explique Nénin. Hélas, dans le cas de Yemenia Airways, les passagers qui avaient alerté les autorités françaises ne s’étaient pas trompés.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique, dans le viseur des États...
- Maroc-Algérie : que contiennent les archives sur la frontière promises par Macron ?
- En Algérie, le ministre Ali Aoun affaibli après l’arrestation de son fils pour cor...
- Derrière les franchises KFC, Papa John’s ou Century 21 à Tunis, le visage de Rym B...