Cheb Mami, de la lumière à l’ombre
Ce n’est pas une surprise. Le 3 juillet, Cheb Mami a été condamné à cinq ans de prison ferme par le tribunal correctionnel de Bobigny (France) pour avoir organisé en 2005, en Algérie, une tentative d’avortement forcé sur l’une de ses compagnes, Isabelle S.
Après deux ans et demi d’exil dans son pays natal, l’Algérie, le Petit Prince du raï s’est constitué prisonnier trois jours avant le début de son procès. Une audience suivie par une horde de journalistes, qui, pour accéder au palais de justice, ont emprunté la passerelle Marie-Claire. Ironie de l’Histoire, cette passerelle porte le nom de la première jeune femme acquittée en France, en 1972, pour s’être fait avorter – précédent qui avait ouvert la voie, trois ans plus tard, au vote de la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse. C’est donc à un jet de pierre seulement de ce symbole que Mohamed Khelifati, alias Cheb Mami, a pu, enfin, exprimer ses remords.
« J’ai fait la faute de ma vie », explique-t-il presque timidement. En jean et chemise blanche, les mains derrière le dos, comme un écolier, il répond à la magistrate qui l’interroge sans aménité. L’enquête de personnalité décrit « un homme gentil », « travailleur », « discret » et sans aucun passé judiciaire. Voilà pour les qualités de « gendre idéal » rapportées par son entourage.
« Pété un plomb »
Pour les défauts, peu de chose à vrai dire : un de ses anciens régisseurs le décrit comme « radin ». « Je ne jette pas mon argent par les fenêtres », corrige Mami. Un problème avec l’alcool ? « Je bois comme beaucoup de gens, seulement après les concerts, pour me lâcher un peu. » Des médicaments ? Mami reconnaît avoir été traité pour « une dépression » après l’échec de son premier mariage.
« Pourquoi avoir fui en Algérie après vos quatre mois de détention préventive ? » relance la magistrate. « J’ai pété un plomb, mais je comptais revenir en France pour le procès », répond, mal à l’aise, la star déchue en se frottant le front avant de demander un verre d’eau. Le tribunal demande plus de détails. « Je n’ai pas beaucoup d’amis en France. Ma mère était malade, ma famille me manquait, et elles valent plus que ma carrière », ajoute l’artiste, qui s’est remarié en 2006, un mois avant son interpellation en France. De ses deux unions, il a aujourd’hui deux enfants : une fille, qui vit avec sa mère aux Pays-Bas, et un garçon de 10 mois en Algérie. Cette situation matrimoniale compliquée offre, peut-être, une grille de lecture au mobile de la tentative d’avortement forcé à laquelle Michel Le Corre-Lévy, son producteur, était associé. Ce dernier écope d’une peine de quatre ans.
Silencieuse sur le banc de la partie civile, la photojournaliste Isabelle S. susurre un mot à l’oreille de son avocate tout en fixant celui dont elle fut éprise. L’enfant qu’elle portait a survécu aux outrages infligés par les faiseuses d’anges embauchées par son père naturel. « Avez-vous reconnu cet enfant ? » s’enquiert le tribunal. « Non », murmure Mami, embarrassé. Même discrétion quand on aborde sa situation financière, pour dédommager la victime. S’il reconnaît avoir gagné « beaucoup d’argent » au temps de sa splendeur, le chanteur dit aujourd’hui vivre avec « pas grand-chose », en faisant de la « spéculation immobilière ». C’est combien, « pas grand-chose » ? « Entre 4 000 et 5 000 euros par mois », explique le prévenu, qui concède également être propriétaire de trois villas et de « quelques appartements » en Algérie.
« Ma carrière est stoppée en France et en Algérie, je ne fais plus de concerts », résume-t-il. Quant à la politique, Mami dit « ne rien y connaître ». Et si on l’a vu à plusieurs reprises soutenir le président Bouteflika, il explique : « J’aide les personnes qui peuvent rendre mon pays meilleur. »
Mais ni la gentillesse, ni le talent, ni les regrets, ni le patriotisme de Cheb Mami n’ont constitué une excuse à un acte aussi odieux. C’est la leçon que la justice française a infligée au Petit Prince du raï.
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