Marrakech autrement

Un documentaire, Marrakech Cine Stories, s’intéresse au combat que mènent les petites salles de cinéma pour reconquérir un public devenu rare.

Publié le 30 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

Article publié dans le N°2569 du 29 juin 2009

Les images de la place Djemaa el-Fna, de la mosquée Koutoubia, des rues marrakchies défilent sur la voix d’Eva Bertoin : « Plus d’un million d’habitants et presque autant de touristes… Tous me donnent l’impression de déambuler dans un décor plus proche de la science-fiction que de la réalité. Jusqu’au jour où j’ai poussé la porte du Colisée et découvert un autre Marrakech. »

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Le Colisée, l’une des premières salles de cinéma de la ville impériale, est la trame de fond de Marrakech Cine Stories (Méroé films), le documentaire de 52 minutes de la réalisatrice, qui sera diffusé sur la chaîne câblée Ciné Cinéma Club les 1er et 6 juillet et, par la suite, sur 2M au Maroc et TV5 Monde. Un film qu’Eva a dédié à son mari, Jacques Bertoin (ancien rédacteur en chef de Jeune Afrique, subitement disparu en 2008), qui n’a jamais ménagé ses efforts pour le développement culturel du royaume.

Son épouse a repris le flambeau et défend les petites structures à l’heure où les multiplexes et autres mégaramas s’installent dans les grandes villes. Ce combat d’arrière-garde, un peu perdu d’avance, est également celui d’une famille de passionnés face aux mastodontes de la production et de la distribution. 

Tenue de soirée

La caméra d’Eva suit le quotidien des Layadi, dont la vie est viscéralement liée au Colisée. Haj Saïd, le grand-père, a acheté la salle en 1953 : « Elle a été la source de beaucoup de joie… » Et d’égrener, nostalgique, les souvenirs comme celui de la diffusion de Pour qui sonne le glas avec Ingrid Bergman et Gary Cooper. « C’était la belle époque. Les hommes et les femmes venaient en tenue de soirée comme pour aller à l’opéra », se rappelle Aïcha Ait Belkheir, ouvreuse depuis le début des années 1970. Le Colisée ne compte aujourd’hui plus que deux placeuses, contre cinq autrefois.

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« Nous avons perdu 60 % de notre clientèle en quelques années », explique Mohamed Layadi, actuel gérant. À l’échelle du pays, les petits diffuseurs ferment les uns après les autres. Dans la rue du Colisée, les trois autres salles ont disparu. Entre 1995 et 2007, le nombre d’entrées est passé de 15 millions à 4 millions par an, et le royaume ne compte plus que 94 écrans, contre 300 dans les années 1980. À qui la faute ?

Le documentaire pointe un doigt accusateur sur le piratage. Dans les rues de la ville, les vendeurs proposent le « film du mois » à 10 dirhams, deux fois moins que le prix de la séance. Un fléau sur lequel les autorités semblent fermer les yeux. Et qui n’augure rien de bon alors que la production cinématographique nationale – une quinzaine de films par an – cherche les moyens de se développer.

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Au Colisée de Marrakech, comme à la cinémathèque de Tanger, on compte sur l’éducation des jeunes pour relancer le goût du grand écran. Projection thématique, formation d’étudiants, travail de mémoire… Mounia Layadi, directrice de la salle marrakchie, coopère avec le Centre cinématographique marocain, le Festival international du film de Marrakech et l’École supérieure des arts visuels de la ville. Une reconquête du public qui passe aussi par une ouverture sur les goûts de la jeunesse marocaine. Le temps d’une soirée, l’écran se retire et cède la scène à un groupe de rap…

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