Anicet-Georges Dologuélé : « La BDEAC atteindra ses objectifs »

Publié le 30 juin 2009 Lecture : 4 minutes.

Jeune Afrique : Alors que la structure financière de la banque s’était régulièrement améliorée depuis 2001, les comptes 2008 accusent pour la première fois une perte importante. Qu’en est-il exactement ?

Anicet-Georges Dologuélé : Cette perte est due pour sa quasi-totalité à des provisions que nous avons dû faire sur un placement investi à notre insu par l’un de nos partenaires, dans un fonds Maddoff. En 1999, c’est-à-dire deux ans avant mon arrivée, Bank Austria avait démarché la BDEAC pour lui proposer un placement dans un fonds censé produire des rendements intéressants. De fait, entre 1999 et 2007, ce fonds a rapporté entre 6 % et 11 % par an. Mais en 2008, nous nous sommes rendu compte que cette banque et d’autres en Europe dans lesquelles nous avions des placements les avaient réinvestis ailleurs de manière hasardeuse et contraire à ce qu’ils mettaient en avant. La BDEAC se retrouve donc en position de victime indirecte de l’affaire Madoff. 

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Pensez-vous récupérer ces montants ?

Nous portons l’affaire devant les tribunaux. Nous allons suivre cela d’une manière très professionnelle avec nos avocats, et nous avons bon espoir d’aboutir rapidement, ce qui nous permettra de reprendre les provisions que nous avons dû passer. 

Cette perte est-elle de nature à remettre en cause ou à ralentir vos engagements ?

Pas du tout. En 2008, nous avions prévu un programme de prêts de 35 milliards de F CFA et nous y sommes presque parvenus. Nous avons également lancé un plan stratégique qui prévoit des prises d’engagements pour 220 milliards de F CFA à l’horizon 2012. Nous sommes sur la bonne voie pour dépasser cet objectif : en 2009, nous avons prévu des engagements à hauteur de 40 milliards de F CFA et ce montant a été atteint en juin. Nous sommes déjà à la moitié de ce qui était prévu dans le plan stratégique. 

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Votre capital actuel suffira-t-il à mobiliser un tel montant ?

L’année dernière, nous avons en effet saturé la capacité d’emprunt que permettait notre capital social. Il était prévu dans notre plan stratégique de l’augmenter à 250 milliards de F CFA, ce que nous avons fait en mars. C’est aussi une reconnaissance du travail accompli, de la part de nos actionnaires que sont les six États de la Cemac [à 51 %, NDLR], la BEAC [30 %], la France, le Koweït, la BAD et la Libye. Nous sommes en négociations avec la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud pour compléter le tour de table. 

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Un grand nombre des projets que vous soutenez sont au Cameroun. Est-ce à dire qu’il y a moins d’entrepreneurs dans les autres pays ?

Le Cameroun arrive en effet en tête pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’il représente la moitié de la population de la sous-région. Nous nous adressons au secteur privé et ce pays a une tradition un peu plus ancienne que les autres dans ce domaine. Tout naturellement, nous recevons plus de demandes des entreprises camerounaises. 

Comment se porte l’activité de la BDEAC dans les autres pays de la région ?

En 2003, quand nous avons relancé l’activité, nous avions des problèmes pour avoir un portefeuille de projets qui soit de même niveau dans les six pays. Le dynamisme du secteur privé n’est pas le même partout. Notre rôle est d’aller au-devant des entreprises dans chaque pays, de prendre le temps de les rencontrer et de construire avec elles des montages financiers. De cette façon, nous avons réussi à avoir un portefeuille de projets dans tous les pays. Sauf en Guinée équatoriale, où nous avons des dossiers à l’étude qui n’ont pas encore abouti à un financement. 

Quel est le pays d’Afrique centrale qui vous semble le mieux armé pour résister à la crise ?

En dehors de la République centrafricaine, dont les principales filières d’exportation, le bois et le diamant, sont sinistrées, les pays de la Cemac ont presque tous les mêmes sources de revenu. Ceux qui produisent du pétrole, même si le prix du baril est moins élevé, devraient maintenir des revenus qui leur permettront de faire face à leurs programmes d’investissements. Au bout du compte, je crois que la crise oblige chacun à mieux s’organiser, à mieux prévoir désormais ce type de situation. Et le nécessaire est fait dans la sous-région en termes d’organisation interne des États et de mesures à prendre pour que chacun s’en sorte avec ses propres moyens. 

Quel impact le décès du président Bongo est-il susceptible d’avoir sur l’économie gabonaise ?

La transition de l’économie vers l’après-pétrole avait commencé. Le gouvernement reste en place. Même s’il faut organiser les élections, les ministères continuent de fonctionner, la continuité de l’État est assurée et il n’y a aucune raison que cela affecte l’économie ou les projets prévus. 

Depuis le début de la crise, apparaît une forte motivation pour l’Afrique de la part des bailleurs de fonds comme le FMI et les agences de développement. La BAD a joué un rôle de premier plan en la matière. Êtes-vous en mesure de relayer ces positions en Afrique centrale ?

Je peux vous dire avec fierté que nous sommes considérés de manière unanime comme l’institution d’Afrique centrale qui est en mesure de le faire. Nous recevons des missions d’évaluation pour des refinancements, nous allons gérer les fonds APE dans le cadre des accords entre l’Europe et l’Afrique centrale, nous avons été repérés comme l’organisation qui doit recevoir l’aide budgétaire française à l’intégration régionale… Pour tous les financements internationaux qui viennent dans la sous-région, la BDEAC est désormais citée de manière naturelle et spontanée. Je pense très logiquement qu’en ce qui concerne l’Afrique centrale, qui manque encore d’infrastructures de base, notamment en matière de transport, la BDEAC est l’institution appropriée pour toucher les six pays et pour réaliser le programme ambitieux des États, notamment le programme économique régional qui est en cours de finalisation pour permettre de développer notre sous-région.

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