Lettre ouverte au président Obama

Ancien doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de Tunis

Publié le 29 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

Monsieur le Président des États-Unis d’Amérique, permettez-moi tout d’abord de vous féliciter à propos du discours historique que vous avez prononcé à l’Université du Caire [le 4 juin]. Je l’ai lu avec beaucoup d’intérêt. C’est pour cette raison que j’ai tenu à vous écrire afin de vous dire combien je partage l’orientation générale de votre politique, d’une part, et combien je suis déçu par certaines de vos positions, d’autre part.

Vous dites dans votre discours que « les Irakiens débarrassés de la tyrannie de Saddam Hussein vivent mieux ». Je n’ai jamais eu la moindre sympathie pour le régime de Saddam Hussein. Néanmoins, il faut reconnaître que les Irakiens vivaient infiniment mieux sous son régime que sous celui de l’occupation américaine, qui a attisé les divisions confessionnelles et ethniques, détruit de nombreuses réalisations du peuple irakien, le livrant à la corruption généralisée et à l’insécurité, et l’a appauvri, dans tous les sens du terme, poussant plus d’un million d’Irakiens, dont l’élite scientifique et intellectuelle, à fuir leur pays.

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À propos du drame palestinien, vous soutenez « l’aspiration des Juifs à une terre ». Soit. Seulement, les Juifs qui ont occupé la Palestine n’ont pas le moindre droit précisément sur cette terre, de laquelle ils ont chassé les habitants par la force et avec le soutien de l’Occident. Les Palestiniens, eux, ne sont point responsables de l’antisémitisme dont ont souffert les Juifs pour mériter un tel déni de justice. Ils n’ont pas souffert, selon vos propres termes, « pour obtenir un territoire », mais bien pour récupérer le leur. Je crois que la différence est de taille. 

Je comprends parfaitement qu’il est irréaliste d’imposer aux Juifs d’Israël le retour dans leurs pays d’origine. Contrairement à votre appel à reconnaître « la légitimité d’Israël », l’entité sioniste est et restera illégitime tant qu’elle demeurera basée sur la discrimination religieuse et non sur l’égalité citoyenne. Elle est, ainsi que le reconnaît l’historien israélien Shlomo Sand, semblable à un enfant illégitime. Il ne s’agit pas de le tuer, mais d’organiser avec lui une coexistence pacifique. Il n’est pas question non plus de lui accorder plus de droits qu’à un enfant légitime. En tout état de cause, parler, comme vous le faites, d’un « peuple juif », c’est reconnaître implicitement qu’il y a également un « peuple musulman », un « peuple chrétien », etc., qui ont le droit d’aspirer à une terre qui leur est propre, alors qu’il n’y a en fait que des nations et des peuples, dont les membres peuvent appartenir au judaïsme, à l’islam, au christianisme, ou à n’importe quelle autre religion et philosophie. 

J’ai été choqué de lire dans votre discours une stigmatisation de la résistance armée contre l’occupant israélien « qui envoie une roquette sur des enfants endormis ou fait exploser un bus transportant de vieilles dames », sans condamner en même temps, et au moins avec la même vigueur, les exécutions sommaires par Israël de dizaines de Palestiniens, ni évoquer les milliers de civils innocents, victimes des actions belliqueuses de l’armée israélienne que les États-Unis continuent à soutenir par les livraisons des armes les plus sophistiquées. Je suis foncièrement contre la violence sous toutes ses formes. Cependant, il n’est pas juste de mettre, comme vous le faites, l’agresseur et l’agressé sur le même banc des accusés.

J’en viens au dernier point important de désaccord avec votre appréciation. C’est celui qui concerne le voile imposé aux femmes musulmanes. Vous affirmez avec raison dans votre discours le droit des femmes et des filles à porter le hijab. Ce qui est étonnant à cet égard, c’est que vous passiez sous silence l’obligation faite aux femmes musulmanes, par toutes sortes de contraintes juridiques, matérielles et morales, de le porter, au nom d’une interprétation abusive des textes religieux. Je n’arrive pas à m’expliquer comment ces millions de femmes qui luttent pour leur droit à ne pas porter le signe de leur infériorité et de leur réduction à un symbole sexuel n’aient pas bénéficié de votre part du moindre intérêt.

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J’ai bon espoir que, sur ces questions, vous aurez l’occasion de porter un jugement plus équitable, en accord avec les idéaux que vous portez et les principes auxquels vous croyez et tenez.

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