Cheb Mami, un « petit prince » pas très charmant

Le procès du célèbre chanteur de raï, réfugié depuis 2007 en Algérie, s’ouvre le 2 juillet, en France. Il est accusé d’avoir infligé un avortement forcé à son ex-compagne.

Publié le 29 juin 2009 Lecture : 3 minutes.

Viendra ? Viendra pas ? Mohamed Khelifati, alias Cheb Mami, né le 11 juillet 1966 à Saïdia (Algérie), artiste chanteur domicilié à Paris, est sommé par la justice française de comparaître le 2 juillet devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour « complicité d’enlèvement, séquestration, violences en réunion et administration de substances nuisibles sur personne vulnérable ». Les textes de la procédure pénale doivent paraître bien rugueux à Cheb Mami, « le petit prince du raï », dont les mélodies ont connu un succès planétaire. L’ex-ouvrier soudeur devenu l’artiste aux 20 millions de disques vendus, l’idole de toute une génération en Algérie et en France, devrait lire ou relire La Chute, d’Albert Camus. Après avoir tutoyé les sommets, il doit aujourd’hui rendre des comptes lors d’un procès qui s’annonce douloureux.

Une affaire sordide

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Cheb Mami est accusé d’avoir fait enlever à Alger, en août 2005, son ex-compagne, la photoreporter Isabelle S., pour lui infliger un avortement forcé du fruit de leur liaison. Interpellé en octobre 2006, placé en détention provisoire jusqu’en janvier 2007, « le petit prince » a, depuis, pris la poudre d’escampette pour se réfugier dans son Algérie natale. Deux ans et demi d’exil judiciaire pendant lesquels, entouré de ses gardes du corps, Cheb Mami a fait la navette entre Oran et Alger, où il compte de solides soutiens. Deux ans et demi que la justice française le réclame, brouillant la déjà délicate relation franco-algérienne. À la veille de son procès, ses deux avocats, Mes Khaled Lasbeur et Claire Doubliez, l’ont assuré : Cheb Mami sera présent à son procès. Leur client, « dont le charme réside dans ce qu’il dégage d’humanité », selon son site Internet, pourra alors peut-être soulager sa conscience. Mais il sait aussi qu’il risque de retourner en prison pour quelques années. Car l’accusation arrive avec des armes lourdes : témoignage circonstancié de la victime, enregistrements, expertises médicales, aveux partiels de Mami et de ses complices présumés.

Pour l’heure, la défense dénonce « un lynchage médiatique » pour un fait divers « d’ordre privé ». Mais ce maigre contre-feu aura du mal à calmer la meute des journalistes attirés par le sang et le sordide. Et ce dossier n’en manque pas. Il ressort de l’instruction que Cheb Mami, récemment divorcé et déjà père d’une fillette en 2005, ne voulait plus d’enfant. « C’est quelqu’un de tellement honnête, de tellement propre qu’il ne veut avoir que des enfants légitimes », explique un de ses proches. Apprenant le refus catégorique d’Isabelle S. de se faire avorter, c’est sur une « suggestion » de son producteur, Michel Lévy, que Cheb Mami aurait fait enlever la jeune femme à Alger. Accueillie à l’aéroport par Hicham Lazaar, elle affirme avoir été droguée, conduite de force dans la villa algéroise de Cheb Mami, où elle aurait subi les assauts de deux faiseuses d’anges assistées de deux hommes. Un curetage forcé d’une rare violence : « Kader et les deux femmes lui ont ôté son pantalon, lui ont fait plusieurs piqûres avant que les femmes ne lui appuient fortement sur le ventre en tentant d’extraire le fœtus », précise l’acte d’accusation.

Pièce accablante

De retour en France, Isabelle S. est traumatisée, mais une bonne nouvelle l’attend : l’odieuse agression des avorteuses a échoué et la petite fille qu’elle porte est bien vivante. Après de nouvelles menaces du clan Mami et une tentative de règlement financier à l’amiable, la photographe porte plainte le 21 novembre. Dans un premier temps, Cheb Mami nie avoir organisé l’opération et y avoir assisté. Ce qu’il ignore alors, c’est l’existence de l’enregistrement d’une conversation téléphonique du 28 novembre avec Isabelle S. Le chanteur est incrédule quand la jeune femme lui annonce qu’elle est toujours enceinte. Il éructe : « Le sang, je l’ai vu chez moi, ils t’ont grattée avec les doigts […]. J’ai vu faire, puis j’ai vu les contractions, j’étais là, j’ai vu le liquide sortir […] t’as commencé à saigner, on a rentré les cinq doigts et après ils m’ont apporté un truc qui ressemble à un foie. » À l’évidence, « le petit prince du raï » sait aussi composer des films d’horreur dont il est l’inquiétant héros. 

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