Qui veut sauver l’accord de Dakar ?
Lassitude, découragement, fatalisme. Près d’un an après le coup d’État du général Ould Abdelaziz, le 6 août 2008, les Mauritaniens désespèrent de sortir de la crise. « Ce pays est maudit », tempête, au volant de sa voiture sans âge, un intellectuel d’une cinquantaine d’années qui a vu l’armée défaire tous les chefs de l’État depuis l’indépendance. « Paralysé par les gesticulations politiciennes », renchérit un homme d’affaires. L’accord arraché à Dakar le 2 juin dernier et signé à Nouakchott le 4 devait réconcilier pro- et anti-putsch, qui, depuis la chute du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, campent sur leurs positions pendant que la Mauritanie, en pleine déroute économique, voit s’affaiblir sa monnaie.
Mais à mesure que l’échéance du 18 juillet prévue par l’accord de Dakar approche, la tenue d’une élection présidentielle transparente paraît de plus en plus compromise. Le 23 juin, Ba M’Baré, le président par intérim, a convoqué par décret le collège électoral. « Mesure unilatérale », se sont insurgés le Rassemblement des forces démocratiques (RFD), premier parti du pays, et le Front national de défense de la démocratie (FNDD), groupement de formations hostiles au coup d’État, qui tiennent Ba M’Baré pour un affidé du général « Aziz ».
Chacun compte présenter un candidat à l’élection – respectivement Ahmed Ould Daddah, le leader du RFD, et Messaoud Ould Boulkheir, le président de l’Assemblée nationale. Mais le RFD et le FNDD estiment que le décret bafoue le consensus de Dakar auquel ils étaient parvenus avec Ould Abdelaziz et qui faisait de la formation d’un gouvernement d’union nationale avant le 6 juin une condition sine qua non à la tenue d’un scrutin libre et transparent. Or la nouvelle équipe n’avait toujours pas été mise en place lors de la publication du décret. « Le camp du général a signé l’accord, mais il continue d’imposer ses règles », analyse un opposant.
Autre préoccupation du RFD et du FNDD, partagée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, également candidat à la présidentielle : le calendrier prévu par le décret (il fixait la limite du dépôt des candidatures au 26 juin) est trop court pour que l’élection se déroule dans des conditions équitables. Le 24 juin, le Conseil constitutionnel a lui aussi jugé que la décision de Ba M’Baré ne respectait pas les délais prévus par la Constitution.
Ultime recours dans cette crise à rebondissements, les membres du « groupe de contact international » chargé de la médiation en Mauritanie – notamment le président sénégalais Abdoulaye Wade, son ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio et Jean Ping, le président de la Commission de l’Union africaine – sont arrivés à Nouakchott le 25 juin pour sauver l’accord de Dakar.
Le lendemain dans l’après-midi, ils étaient déjà parvenus à fixer le sort du Haut Conseil d’État (HCE), la junte formée le 6 août 2008. Comme le préconisait l’opposition, il sera placé sous l’autorité du futur gouvernement de transition. C’est une concession de la part des partisans d’Aziz, qui tenaient son maintien pour indispensable à la sécurité du pays. Étape suivante : la formation du gouvernement d’union nationale.
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