Sommet de crises
La 13e conférence des chefs d’État et de gouvernement africains, à Syrte, du 1er au 3 juillet, ne sera pas de tout repos. Coups d’État, conflits postélectoraux et délicates périodes de transition se multiplient sur le continent. Les pays membres de l’UA vont devoir réagir et s’impliquer.
« Investir dans l’agriculture pour réaliser la croissance économique et la sécurité alimentaire. » Ce devait être le grand thème du 13e sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA), à Syrte (Libye) du 1er au 3 juillet. Il sera vite évacué au profit de questions plus brûlantes. Tout au plus fera-t-il l’objet d’une présentation de la commissaire chargée de l’économie rurale et de l’agriculture, la Tanzanienne Rosebud Kurwijila, que les dirigeants du continent écouteront d’une oreille distraite avant de « passer aux choses sérieuses ».
Actualité oblige, la recrudescence des coups d’État et des conflits postélectoraux se retrouve au centre des débats. Pas moins de deux rapports seront examinés en séance plénière. Le Conseil de paix et de sécurité exposera le sien – rédigé par le Groupe des sages – sur « le renforcement du rôle de l’UA en matière de prévention, de gestion et de règlement des différends relatifs aux élections et aux conflits violents en Afrique ». Jean Ping, le président de la Commission, soumettra de son côté aux chefs d’État et de gouvernement le document qu’il a élaboré sur « la prévention des changements de gouvernement par des moyens anticonstitutionnels et le renforcement des capacités de l’Union africaine pour gérer de telles situations ». Cela tombe à point nommé : beaucoup de dossiers chauds, abordés lors du sommet, sont directement liés à ces problématiques.
« TGV » doit faire des efforts
À propos de Madagascar, où Andry Rajoelina s’est appuyé sur la rue pour renverser, le 16 mars, Marc Ravalomanana, le chef de l’État légitime, l’UA devrait réaffirmer, voire durcir sa position. Ce pays devait initialement accueillir le sommet, mais l’organisation continentale l’a sanctionné en le transférant à Syrte à la dernière minute, et en mettant en quarantaine ses institutions issues du putsch. Les membres de l’UA jugent les concessions du président autoproclamé encore insuffisantes. Andry « TGV », qui a déjà accepté de réduire la durée de la transition de vingt-quatre à dix-huit mois, pourrait faire un effort supplémentaire et la comprimer à un an. Il a aussi promis à Jean Ping de gracier Ravalomanana, condamné à quatre ans de prison au lendemain de sa chute, voire de l’autoriser à rentrer au pays pour prendre part à la transition.
Mais l’UA demande davantage : elle exige un « retour rapide à l’ordre constitutionnel » et que le nouvel homme fort du pays ne profite pas de la révision de la Constitution pour abaisser la limite d’âge qui l’empêche, pour le moment, de briguer la magistrature suprême.
Une volonté analogue de confiscation du pouvoir semble habiter Moussa Dadis Camara, le chef de la junte qui s’est imposée en Guinée le 23 décembre 2008, au lendemain du décès du chef de l’État Lansana Conté.
Mohamed Ibn Chambas, président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et du Groupe international de contact sur la Guinée, s’attelait, à quelques jours du sommet, à rédiger un rapport qui devrait proposer un durcissement des sanctions infligées à la junte. Très confiant au départ pour trouver une solution à la crise, le Ghanéen est aujourd’hui exaspéré de n’avoir pu obtenir une date précise pour la tenue de l’élection présidentielle, en dépit de ses nombreux déplacements à Conakry.
En Mauritanie, une lueur d’espoir avait brillé après la signature, à Dakar, sous l’égide de la diplomatie sénégalaise, d’un accord entre les protagonistes de la crise. Espoirs vite dissipés par les blocages qui se sont ensuivis. Au point de contraindre Ping à se joindre à une « délégation de haut niveau », partie pour Nouakchott le 25 juin. « C’est la rencontre de la dernière chance pour Mohamed Ould Abdelaziz et sa junte, prévient un fonctionnaire en poste au siège de l’UA, à Addis-Abeba. S’ils continuent à bloquer l’application de l’accord de Dakar, ils vont au-devant de graves sanctions : interdiction de voyager, gel des avoirs… » Le contraste entre la fermeté de la Commission sur cette question et la position de Kadhafi, hôte du sommet, qui a publiquement soutenu le putschiste Abdelaziz, fait désordre. Les écarts du président en exercice par rapport à la ligne de l’organisation sont susceptibles d’être abordés par des chefs d’État comme l’Ougandais Yoweri Museveni.
Dispositif de vigilance
Pour éloigner le spectre des transmissions anticonstitutionnelles du pouvoir, un membre de la Commission a proposé la mise en place d’un « dispositif de vigilance » chargé de veiller sur la transition ouverte au Gabon depuis la mort, le 8 juin, du président Omar Bongo Ondimba. En plus de l’hommage particulier qui sera rendu à ce dernier, les chefs d’État et de gouvernement écouteront Rose Francine Rogombé, la présidente par intérim, et lui proposeront leur aide pour mener son pays à des élections crédibles dans un délai raisonnable.
De même, l’UA s’intéressera au déroulement de l’élection présidentielle bissau-guinéenne, qui devait se tenir le 28 juin, et aux préparatifs du même scrutin en Côte d’Ivoire, prévu pour le 29 novembre.
Au chapitre des guerres, l’UA examinera le cas de la Somalie, où des combats opposent les forces loyalistes aux miliciens des Tribunaux islamiques qui commettent de graves exactions contre la population. L’UA, qui, lors de son sommet de février 2009 à Addis-Abeba, avait accueilli en grande pompe le président Cheikh Cherif Cheikh Ahmed fraîchement élu, doit maintenant étudier les moyens pour faire cesser les hostilités et conférer une plus grande capacité d’action à sa force de maintien de la paix dont la présence dans le pays reste, faute d’effectifs et d’équipements, purement symbolique.
Enfin, à l’instigation du chef de l’État soudanais Omar el-Béchir, qui a rendu visite à la fin de mars dernier à Mouammar Kadhafi, le sommet se penchera sur le mandat d’arrêt international lancé contre lui par la Cour pénale internationale. Un rapport intérimaire de la Commission sur « l’utilisation abusive du principe de compétence universelle » et un autre, relatif à « la réunion des États africains parties au statut de Rome sur la Cour pénale internationale », devaient être examinés au cours des travaux.
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