La princesse et les rugbymen

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 29 juin 2009 Lecture : 2 minutes.

Ainsi, le secrétariat d’État aux Droits de l’homme, cette « erreur », selon Bernard Kouchner, est passé à la trappe du remaniement ministériel français du 23 juin. Exit, donc, notre princesse toucouleur du Quai d’Orsay, la très populaire, agaçante, orgueilleuse, ambitieuse, courageuse et jalousée Rama Yade. Tous ceux qui lui reprochaient de bâtir sa notoriété en jouant les chevaliers blancs et en s’opposant aux volontés de son Pygmalion Nicolas Sarkozy l’attendent désormais au tournant de sa nouvelle affectation. Et c’est vrai qu’on l’imagine mal, Ramatoulaye, désormais secrétaire d’État aux Sports, fragile comète du haut de ses 32 ans, se coltiner les arrivées du Tour de France au sommet de l’Alpe d’Huez, les remises de médailles aux haltérophiles et les accolades moites dans les vestiaires de rugbymen. Le sport est encore largement un monde d’hommes et de sueur virile, un bastion du machisme, du chauvinisme et parfois, hélas, du racisme, où la fille de Dakar et de Marianne a autant sa place a priori qu’un vase de porcelaine au milieu d’un troupeau d’éléphants.

Punie, Rama Yade ? On le dit. Invirable parce qu’au top des sondages mais exilée pour avoir eu l’impudence de refuser le mandat de député européen que lui proposait son chef. Depuis quelques mois, entre un Sarkozy qui ne lui parlait plus ou presque et un Kouchner qui, ne l’ayant jamais acceptée, avait fini par l’exécrer, au point de voir en elle la gorge profonde et perfide de complots médiatiques, la femme qui dit « non » alternait les moues boudeuses et les soupirs d’ennui. Il fallait la voir, lors du dernier voyage présidentiel en Afrique, fin mars, errer comme une âme en peine, les yeux fixés sur l’horizon de son malaise, fuyant les journalistes mais aussi tous ceux qui, dans le sillage de la caravane, étaient aux antipodes de sa sensibilité, voire de ses convictions : Henri Guaino, l’auteur de « l’homme africain n’est pas encore entré dans l’Histoire » ; Patrick Balkany, de la bande des Hauts-de-Seine ; Thierry Mariani, l’inventeur du test ADN ; Didier Barbelivien, compositeur de variétés franchouillardes…

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L’« erreur » a duré deux ans avant d’être corrigée. Deux années pendant lesquelles cette « Française d’origine africaine compétente », selon sa propre définition, a fait ce qu’elle a pu pour aviver la flamme des droits de l’homme dans l’univers glacé de la diplomatie. On aurait, c’est vrai, souhaité qu’elle s’en tienne là et refuse crânement de s’asseoir sur le banc de touche du gouvernement, elle qui vaut beaucoup mieux qu’une place de remplaçante destinée à entrer en jeu quand la titulaire du poste, sa nouvelle ministre de tutelle Roselyne Bachelot, n’occupera pas le terrain – autant dire le moins souvent possible. Mais on se console avec cette petite phrase confiée il y a peu à J.A. : « L’Afrique me suivra partout où j’irai. » Partout, espérons-le, jusqu’à la Coupe du monde de football de 2010 en… Afrique du Sud, le pays de son héros, Nelson Mandela.

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